13 février 2018
Question orale
Ma question porte sur la situation du logement social. Le dispositif prévu à l’article 52 de la loi de finances pour 2018 réintroduit dans l’article 126 une baisse concomitante des aides personnalisées au logement, les APL, et des loyers. Même si elle doit s’étaler sur trois ans – 800 millions d’euros en 2018, 1,2 milliard d’euros en 2019, 1,5 milliard d’euros en 2020 –, l’annonce de cette baisse a suscité des craintes de la part des bailleurs sociaux, non seulement pour leur situation financière, mais encore pour leur politique d’investissements, qu’il s’agisse de la construction de logements neufs ou de la rénovation de logements existants.
Vous me pardonnerez de prendre l’exemple de mon département, la Corrèze : les bailleurs sociaux estiment que leur manque à gagner s’élèverait à environ 4 millions d’euros : celui de Corrèze Habitat serait de 1 million d’euros, celui de Brive Habitat de 2 millions d’euros, celui de la COPROD de 600 000 euros, celui de l’Office public de l’habitat d’Égletons de 300 000 euros. Un tel montant est important pour une zone sociogéographique difficile.
Pour compenser le manque à gagner qui résultera de la diminution progressive des APL, le Gouvernement a décidé de moduler plus fortement la cotisation prélevée par la Caisse de garantie du logement locatif social assise sur les ventes de logement afin de financer un fonds de péréquation. Par ailleurs, il a décidé d’augmenter temporairement la TVA applicable aux opérations de construction et de rénovation des logements sociaux.
Cela sera-t-il suffisant pour qu’il n’y ait pas de perdants, comme l’a déclaré le Président de la République ? Je pense naturellement aux ménages disposant de revenus modestes, en particulier à ceux qui souhaitent accéder à la propriété.
Aussi, je vous serais reconnaissant, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir m’indiquer si ces mesures pourront éviter de mettre en difficulté les populations les plus fragiles tout en permettant la poursuite de la construction et de la rénovation des logements sociaux dont la France et les territoires ruraux ont besoin. D’autres mesures sont-elles prévues dans les mois qui viennent, en complément de celles qui ont déjà été annoncées ?
Réponse de la Ministre Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Daniel Chasseing, je vous prie de bien vouloir excuser Julien Denormandie, qui ne peut être présent aujourd’hui. Je vous répondrai donc en son nom.
Le Gouvernement a lancé une réforme ambitieuse du secteur du logement social afin de le consolider et de le renforcer par des réformes structurelles.
Cette réforme est fondée sur quatre piliers : l’évolution du mode de financement du secteur, la réorganisation du tissu des opérateurs de logement social, la mise en place de mesures en faveur de l’accession sociale à la propriété et la définition progressive d’une nouvelle politique des loyers.
La première étape a consisté en l’adoption de la loi de finances pour 2018, et plus particulièrement de son article 126. Il prévoit une baisse, sur trois ans, des loyers des ménages modestes du parc social, grâce à la mise en place d’une réduction de loyer de solidarité. Il prévoit également, adossée à cette réduction de loyer de solidarité, une baisse de la dépense publique des aides personnalisées au logement.
À la suite des discussions entre le Gouvernement et les représentants du secteur, cette baisse des aides personnalisées au logement sera mise en œuvre progressivement. Elle sera ainsi limitée à 800 millions d’euros en 2018 et en 2019 pour atteindre 1,5 milliard d’euros en 2020. Cette progressivité est rendue possible par une hausse du taux de 5,5 % à 10 % de la TVA applicable aux opérations de construction et de réhabilitation de logements locatifs sociaux, mesure également prévue dans la loi de finances pour 2018.
La réduction de loyer de solidarité, la RLS, sera lissée sur l’ensemble du parc de logements sociaux, hors logements en outre-mer, logements foyers et logements appartenant à des organismes de maîtrise d’ouvrage d’insertion, non concernés par la RLS. Ce lissage permettra ainsi à l’ensemble des organismes de contribuer de manière équilibrée.
En particulier, l’accueil de ménages bénéficiant des aides personnalisées au logement ne sera en aucun cas pénalisant pour les bailleurs. Par ailleurs, une péréquation renforcée, via la Caisse de garantie du logement locatif social, est aussi instaurée pour aider les organismes les plus fragiles et faciliter la restructuration du secteur.
En Corrèze, sept organismes sont actifs, dont quatre uniquement, ou presque uniquement, dans ce département. Ils devront réaliser une réduction de loyer de solidarité pour les bénéficiaires de l’aide personnalisée au logement. La contribution globale des organismes de logement social de la Corrèze sera proportionnellement la même que celle qui est consentie à l’échelon national.
Afin d’accompagner financièrement le secteur, plusieurs mesures de soutien à l’exploitation et à l’investissement sont également prévues dès 2018.
Ces mesures prévoient notamment une stabilisation du taux du livret A sur deux ans à 0,75 % ; un allongement de la maturité des prêts consentis par la Caisse des dépôts et consignations aux bailleurs, dont l’appel à manifestation d’intérêt sera lancé dès le 15 février prochain ; la mise en place par la Caisse des dépôts et consignations d’une enveloppe de remise actuarielle de 330 millions d’euros fléchée vers le soutien à la démolition et vers la renégociation de dette ; la mise en place de 2 milliards d’euros supplémentaires de prêts de haut de bilan bonifiés par Action Logement fléchés vers le soutien à l’investissement, dont la souscription sera lancée dès avril ;…
M. Daniel Chasseing : je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État, et des mesures que vous venez d’annoncer. Elles sont attendues, notamment dans les départements ruraux, où les locataires et les offices sont très fragiles. Ces derniers doivent être confortés afin de leur permettre de poursuivre les investissements nécessaires dans le logement, y compris dans les communes rurales et dans les territoires difficiles. Il s’agit d’y maintenir la vie et la mobilité, mais aussi de faire en sorte que les loyers des locataires à faibles revenus n’augmentent pas.