16 juillet 2018
Proposition de loi relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au travers de l’examen de cette proposition de loi, nous sommes invités à nous prononcer sur notre vision de l’éducation à l’ère du numérique.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, le texte répond à un engagement pris par le Président de la République pendant sa campagne électorale. En posant le principe d’une interdiction de l’utilisation des téléphones portables dans les établissements scolaires, tout en ouvrant la voie à des autorisations possibles, il offre une clarification juridique salutaire et pose, pour reprendre les propos de Mounir Mahjoubi, des « règles pour éviter le pire ».
Les deux plus grandes figures du numérique, Bill Gates et Steve Jobs, avaient déjà tiré la sonnette d’alarme.
En 2007, l’ancien PDG de Microsoft avait lui-même instauré une durée limitée d’exposition aux écrans pour ses enfants et leur interdisait l’usage d’un téléphone portable avant l’âge de quatorze ans. Pour le reste de la société, l’âge moyen de possession d’un premier téléphone est de dix ans. Tous les enfants ne sont pas égaux face aux risques que représente l’usage incontrôlé des nouvelles technologies… « J’échangerai toute ma technologie pour un après-midi avec Socrate », disait pour sa part Steve Jobs.
Nous connaissons déjà les risques, pour les enfants, d’une exposition excessive aux écrans : troubles de l’attention et du comportement, myopie, troubles de l’apprentissage, risques d’exposition aux contenus violents ou pornographiques, cyberharcèlement… La liste est longue, et les jeunes victimes de harcèlement via les réseaux sociaux sont nombreuses. L’école doit rester un sanctuaire !
Nous savons également que les risques de dépression augmentent pour un adolescent avec la fréquentation des réseaux sociaux. Le recul de l’exercice physique et la diminution du temps de lecture sont aussi des effets collatéraux de la dépendance des enfants aux écrans.
Inversement, la London School of Economics a démontré que les résultats scolaires progressaient après l’application d’une interdiction des téléphones portables dans les écoles.
Aussi cette proposition de loi nous apparaît-elle à tout point de vue bénéfique pour préserver l’équilibre des élèves et la qualité de l’apprentissage.
Je me félicite de l’adoption en commission d’un amendement visant à laisser à l’établissement la liberté de définir le mode de restitution de l’objet confisqué. J’avais moi-même déposé un amendement allant dans ce sens. L’adoption de cette disposition permettra de ne pas alourdir le dispositif.
Pour autant, l’utilisation des téléphones et des tablettes à des fins pédagogiques reste possible. Je pense, d’ailleurs, que le numérique est la voie de prédilection vers l’auto-apprentissage et offre des possibilités d’enseignement illimitées ! Ainsi, aux États-Unis, la plateforme dématérialisée HarvardX met à disposition du monde entier des cours de très haut niveau.
Les possibilités de partenariats internationaux, d’échanges de pratiques et de savoirs sont démultipliées avec le numérique. À ce titre, le rapport intitulé « Vers une société apprenante », remis par François Taddei en avril dernier, préconise la mise en place d’un campus national numérique pour fédérer les apports de chaque établissement d’enseignement.
Pour limiter les effets néfastes sur les enfants de l’exposition aux écrans dans le cadre des activités pédagogiques, je défendrai un amendement visant à équiper les écrans utilisés par les élèves de filtres à lumière bleue. Nous le savons, la rétine des élèves les plus jeunes est particulièrement vulnérable à cette lumière émise par les écrans. Cette mesure protectrice pour les enfants serait facile à mettre en œuvre, puisqu’il s’agirait simplement d’installer une application libre et gratuite sur les appareils.
L’adoption de cette proposition de loi sera une première étape vers un équilibre qu’il reste à trouver entre développement technologique et capacité de la société à en faire bon usage.
Aussi, au-delà du texte en lui-même, il s’agira de veiller à sensibiliser l’ensemble de la société à une utilisation maîtrisée des outils numériques, afin de ne pas donner raison à Albert Einstein quand il disait qu’« il est hélas devenu évident aujourd’hui que notre technologie a dépassé notre humanité ».