23 octobre 2018
Explications de vote des groupes sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous allons aujourd’hui procéder au vote, d’une part, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, de l’autre, du projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions.
Ces textes visent, selon le Gouvernement, à « rendre plus effectives les décisions des magistrats, donner plus de sens à leurs missions et rétablir la confiance de nos concitoyens dans notre justice ». Ils ont également pour but de « lancer des réformes structurelles ».
Je souhaite à nouveau mettre l’accent sur la situation de notre justice, qui ne s’améliore pas, et pour cause : le problème de fond est évidemment celui des moyens.
Oui, la justice de notre pays est dans un état critique aujourd’hui, car elle souffre d’un manque d’investissement prolongé.
Des délais de jugement qui s’allongent, une situation chronique de sous-effectif liée aux vacances de postes, un système illisible d’exécution des peines, en vertu duquel la peine exécutée n’est, souvent, pas la peine prononcée, une surpopulation carcérale chronique : cette situation très dégradée de la justice est sans cesse dénoncée par les acteurs du droit. En témoignent la colère des magistrats et des avocats, ou encore l’esprit de révolte des agents de l’administration pénitentiaire qui s’est fait jour l’année dernière.
Nous pouvons certes regretter que le Gouvernement ait attendu le 20 avril 2018 pour nous présenter ces textes. En revanche, le projet de loi ordinaire est le premier texte de programmation présenté, en la matière, depuis 2002, et je tiens à vous en remercier, madame la garde des sceaux.
Je souhaite également relever à cette tribune la qualité des travaux menés par nos collègues François-Noël Buffet et Yves Détraigne. Sur leur initiative, la commission a inséré dans ces projets de loi plusieurs dispositions issues de la proposition de loi d’orientation et de programmation et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice, déposées au Sénat par Philippe Bas, président de la commission des lois, à l’issue des travaux de la mission d’information sur le redressement de la justice.
Les textes qui sont soumis au vote aujourd’hui couvrent un champ très vaste. Ils balayent notamment le droit civil, le droit pénal, la procédure pénale et l’organisation judiciaire, et les nombreuses modifications introduites par les deux corapporteurs ont permis de les améliorer.
Ainsi, en matière budgétaire, la commission a demandé un effort plus important, à la hauteur des enjeux du redressement de la justice.
En matière de justice civile, elle a amélioré l’efficacité et la rapidité des procédures tout en veillant à la protection des personnes vulnérables par la suppression ou l’encadrement de certaines mesures.
Pour ce qui concerne la procédure pénale, la commission a été soucieuse de l’équilibre entre l’efficacité des enquêtes et la garantie des libertés, lesquelles étaient mises en danger par un renforcement excessif des prérogatives du parquet.
En matière d’organisation judiciaire, elle a clarifié la réforme, avec la création du tribunal de première instance, tout en veillant au maillage territorial et à la proximité de l’institution judiciaire.
Je me réjouis également que la commission ait restauré la crédibilité du prononcé et de l’exécution des peines en supprimant tout examen obligatoire des peines d’emprisonnement aux fins d’aménagement, et qu’elle ait fait de la probation une peine autonome, que le juge peut prononcer, le cas échéant, en complément d’une peine d’emprisonnement.
Je me félicite enfin que la commission ait supprimé le caractère automatique de la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine.
Les débats en séance ont permis de nombreux apports intéressants. Parmi ceux-ci, je tiens à citer la possibilité donnée aux victimes d’agression d’être informées du statut carcéral de leur agresseur et des conditions de sa sortie d’incarcération ; la création d’une peine complémentaire générale d’interdiction du territoire français pour les étrangers coupables de délits et crimes punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ; la suppression du principe de l’attribution automatique de crédits de réduction de peines aux condamnés détenus ; l’expérimentation d’un vote par correspondance pour les personnes détenues ; l’organisation d’un « isolement électronique » des détenus dans leur cellule ; ou encore la possibilité de procéder en prison, sur les visiteurs, à toute mesure de contrôle jugée nécessaire à la sécurité et au bon ordre de l’établissement.
Madame la ministre, mes chers collègues, l’état dans lequel se trouve la justice de notre pays nécessite des mesures fortes, urgentes et efficaces.
Ces deux textes modifiés par le Sénat apportent de réelles réponses aux difficultés que subissent à la fois les professionnels de la justice et les justiciables. Aussi, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires, dans leur grande majorité, les voteront !