29 juin 2023
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne (voir le dossier législatif)
🔔 À retrouver également sur nos réseaux sociaux
✅ Ce texte est définitivement adopté !
La proposition de loi est considérée comme définitivement adoptée car le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté le texte issu de la Commission mixte paritaire.
🛑 L'engagement de notre Groupe contre la haine et ligne et pour la responsabilité des plateformes
Depuis plusieurs années, notre Groupe appelle à lutter quotidiennement et efficacement contre la haine en ligne : la Sénatrice Colette Mélot a été Rapporteure d’une mission d’information sénatoriale sur le cyber-harcèlement dont les conclusions ont été remarquées (plus d'informations).
Par ailleurs, le Président Claude Malhuret avait fait adopter un amendement au Sénat visant à rendre les plateformes responsables des contenus qu'elles diffusent sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République (plus d'informations).
NB : 🗣 Pour rappel retrouvez l'intervention du Président Claude Malhuret lors de l'examen du texte en première lecture au Sénat le 23 mai 2023 en cliquant ici
Madame la Présidente,
Madame et Monsieur les Ministres,
Madame la Rapporteure,
Mes chers Collègues,
« Les réseaux sociaux sont devenus l’une des principales menaces contre nos démocraties » disait il y a peu Barack Obama dans « The Atlantic ». Cette phrase peut paraître grandiloquente, elle ne l’est pas.
Le rêve de quelques geeks californiens du début des années 2000 d’un Internet porteur d’une connaissance universelle, d’une transparence inédite et de nouveaux liens sociaux à l’échelle de la planète s’est transformé en une réalité beaucoup plus prosaïque. Fake news, discours de haine, harcèlement, désinformation, manipulations électorales à grande échelle, fermes à trolls, ne sont que quelques exemples des dérapages d’une technologie qui connaît un succès mondial mais bien souvent pour de mauvaises raisons.
Ces dérapages tout le monde en est victime. Mais certains sont plus victimes que d’autres. Il s’agit des adolescents dont la personnalité est en construction et qui sont mal armés pour résister à ces risques. Adolescent n’est en fait pas le terme adéquat, puisque nous savons que l’âge moyen de primo-inscription à un réseau social intervient désormais vers l’âge de 8 ans et demi – vous nous l’avez rappelé Madame la Rapporteure – la plupart du temps avec un contrôle parental minimum, voire absent.
Depuis peu un nouveau venu a rejoint Facebook, Twitter, Instagram et quelques autres. Leurs algorithmes étaient addictifs, le sien entraîne une véritable dépendance et bien entendu tous se sont empressés de le suivre dans cette course à l’échalote de l’assuétude, où la qualité des contenus et l’intérêt des enfants a été jeté depuis bien longtemps par-dessus bord au profit de la seule chose qui compte, les heures passées devant l’écran qui garantissent des espaces publicitaires maximum, donc des profits maximums.
Voilà quel est l’Internet des années 20 tel que nous l’a montré la commission d’enquête sur TikTok dont nous allons rendre les conclusions dans quelques jours.
Le texte que nous examinons aujourd’hui – je voudrais en remercie Laurent MARCANGELI – ce texte était nécessaire. Il ne sera suffisant que s’il est réellement mis en œuvre. Après des années d’insouciance, nous commençons à nous réveiller. Le RGPD, puis le DSA et le DMA sont aujourd’hui les témoins de cette prise de conscience. Ils ne seront efficaces que s’ils sont appliqués. « Faire une loi et ne pas la faire appliquer, c’est autoriser ce que l’on veut interdire » disait Richelieu. Le législateur aujourd’hui fait son travail, en tous cas il l’entreprend. C’est aux exécutifs que revient désormais la responsabilité de l’action.
Je suis un européen convaincu, mais je vous le dis, Monsieur le Ministre – je vous l’ai dit la semaine dernière lorsque nous nous sommes rencontrés dans la commission d’enquête – si l’application de ces textes devait être confiés à des organismes insuffisamment dotés, si les remontées prévues de toutes les infractions au niveau européen devaient prendre des années, comme cela commence à être le cas avec la DPC irlandaise. Si les voies de recours devaient prendre des années supplémentaires, si chaque pays n’avait plus la possibilité de sanctionner les principales infractions commises sur son territoire, alors les GAFAM et les autres auraient une fois de plus gagné la bataille de retardement qu’ils mènent depuis des années avec leurs armées de lobbyistes et de juristes, avec leurs milliards qui leur permettent de traiter par l’indifférence les amendes qui leurs sont infligées, dérisoires pour eux, même lorsqu’elles sont significatives.. Elles sont désormais inscrites dans leurs comptes au titre des provisions pour imprévus.
La main des gouvernements démocratiques ne doit plus trembler, Monsieur le Ministre, Madame la Ministre, et vous laisserez votre nom dans la fonction que vous exercez si vous y parvenez. Vous avez eu tout à l’heure des paroles fortes et je vous en félicite, mais c’est sur les actes que vous serez jugés.
Je le dis avec force : si les mesures de contrôle de l’âge des utilisateurs des applications ne sont pas strictes, si le contrôle par les Etats de la mise en place de mécanismes de surveillance réellement efficaces par les plateformes n’est pas réalisé et la menace de l’interdiction clairement exprimée, et si par conséquent les enfants de 8 ans comme les adolescents continuent à voir leur attention, la construction de leur psychisme et la réussite de leurs études compromises par des entreprises d’abrutissement et – pour utiliser le terme d’un chercheur – de crétinisme digital, alors nous aurons perdu la bataille de l’éducation, de l’instruction et de l’équilibre psychologique, qui est déjà depuis des années bien mal engagée.
C’est là le défi auquel s’attelle aujourd’hui le Parlement. C’est là votre défi, Madame et Monsieur les Ministres. Et c’est en définitive, comme le disait Obama dans la citation du début de mon intervention, je pèse mes mots, un des défis auxquels sont confrontées nos démocraties.
Je vous remercie.