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Claude Malhuret : Déclaration de Politique Générale de Michel Barnier au Sénat

2 octobre 2024

Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution



Monsieur le Président,

Monsieur le Premier Ministre,

Mes chers collègues,

 

En écoutant tout à l’heure, l’analyse de la situation politique par le Président du Groupe Socialiste, j’ai eu brusquement une sorte de cauchemar éveillé, Monsieur le Premier Ministre. J’étais ici, à cette tribune, et en face de moi, à la place où vous êtes, ce n’était pas vous… C’était Lucie Castets. A ses côtés, Sandrine Rousseau, Ministre des Finances et de la Décroissance, Sophia Chikirou, Garde des Sceaux, Aymeric Caron, Ministre de l’Ecologie et des insectes, Sébastien Delogu, Ministre de la Mémoire et des anciens combattants, Louis Boyard, Ministre du Développement durable du cannabis, et Jean-Luc Mélenchon, Ministre des Affaires étrangères et de l’amitié avec la Russie, le Hezbollah et l’Alliance bolivarienne. Lorsque j’ai rouvert les yeux, je me suis aperçu que j’étais en train de tomber de mon siège.


Ce que nous dit le Président du Groupe Socialiste montre que l’on ne peut aborder ce débat sans faire d’abord table rase de l’invraisemblable campagne menée depuis des semaines par le Nouveau Front Populaire pour convaincre les français que l’élection a été volée, que votre Gouvernement est illégitime et que vous êtes l’otage du Rassemblement National. Cette campagne va continuer, plus virulente que jamais, comme le prouve aussi le discours de fureur et de haine de Madame Panot hier à l’Assemblée.

Le soir des élections, le 7 juillet dernier à 20h01 à la télé, tous les chefs de partis  sont priés de passer leur tour pour permettre à celui de LFI de prononcer cette phrase : « Nous sommes arrivés les premiers, nous devons former le Gouvernement ». L’échec du candidat NFP à la Présidence de l’Assemblée Nationale huit jours plus tard a démontré l’imposture évidente de cette intox constitutionnelle. Mais la vague médiatique et les ragots sociaux se sont transformés en tsunami et le mensonge s’est changé en vérité.


Il faut donc le répéter. L’élection n’a été volée à personne. Et si elle a été volée, c’est aux électeurs de gauche par les dirigeants de l’extrême-gauche et leur invraisemblable partie de poker menteur avec leurs partenaires comme l’ont rappelé samedi dernier à Bram, Bernard Cazeneuve, Carole Delga et Raphaël Glucksman, qui ne semblent, c’est étrange, pas du tout d’accord avec l’analyse de notre ami Kanner.


Pendant quinze jours, après le 7 Juillet, le mot d’ordre fut : « Macron doit nommer immédiatement un Premier Ministre NFP ». Question des journalistes : « Qui est votre candidat ? » Réponse : « On ne sait pas, on n’arrive pas à se mettre d’accord. » Après deux semaines de bras de fer et de crises de nerfs, une inconnue tombe enfin du ciel. Pendant 24 heures Huguette Bello devient le nouveau Dalaï Lama. Jusqu’à ce qu’on découvre qu’elle n’est pas woke, mais alors pas woke du tout. Anti-mariage pour tous et tout le tralala. Panique au NFP… Exit Huguette. Quelqu’un propose  Laurence Tubiana, organisatrice de la COP21. Horreur, on s’aperçoit que Macron l’a nommée à l’UNESCO. Une macroniste Première Ministre du NFP. La fisha absolue… Exit Laurence. Au bord du gouffre, alors qu’il n’allait plus rester que Ségolène Royal, on finit par débusquer dans les combles de la mairie de Paris une sémillante fonctionnaire jamais élue nulle part et co-animatrice de l’incroyable dette de 10 milliards d’euros de la capitale. Par miracle, cet Annapurna de la pensée politique auprès de qui les Bertrand, Cazeneuve ou Barnier ne sont que des billes accepte de faire bénéficier les français de son inexpérience. Le NFP tient sa Première Ministre. Du moins c’est ce que croient les socialistes, les écolos et les communistes. Ce qu’ils n’ont pas compris, et on s’étonne d’une telle naïveté, c’est que jamais Mélenchon n’a envisagé un Premier Ministre de gauche. Jamais. Au moment même où le nom de Lucie Castets est prononcé, une fatwa vient la faucher en quelques mots : « Le programme, rien que le programme mais tout le programme ». En bon français ça veut dire : Madame Castets disposera de 193 voix à l’Assemblée et pas une de plus. Exit Lucie…  En un mot, si vous avez compris le NFP, c’est qu’on vous a mal expliqué.


La gauche responsable, celle qui est largement représentée dans cet hémicycle – du moins c’est ce que je pensais jusqu’à il y a quelques minutes – fait une tentative désespérée alors, en proposant le nom de Bernard Cazeneuve. Cette fois Mélenchon n’a même pas besoin de lever le petit doigt, Faure le socialiste se charge lui-même du sale boulot en déclarant que nommer un Premier Ministre socialiste serait une anomalie. Cazeneuve est des nôtres, il sera censuré comme les autres. Exit Bernard.


Un jour, dans les manuels de sciences politiques, un long chapitre expliquera comment, en 2024, la gauche s’est vendue pour un plat de lentilles à une secte gauchiste en pleine dérive islamiste et antisémite, dirigée par un ancien du lambertisme que les communistes eux-mêmes qualifiaient il y a quelques années encore d’hitléro-trotskisme.


Quant à l’extrême droite qui prétend elle aussi qu’on a volé l’élection à ses 11 millions d’électeurs, elle oublie de dire que 20 millions d’autres ont décidé d’associer leurs voix au deuxième tour pour lui faire barrage devant la radicalité de ses positions, un programme économique fonçant droit vers l’abîme et une flopée de candidats  imprésentables, entre les casquettes nazies et les propos antisémites sur les réseaux asociaux. Elle n’est pas plus légitime à gouverner et elle le sait très bien. Elle attend son heure, et si cette heure vient un jour elle aura été soigneusement préparée par la folie de l’extrême gauche et la capitulation du premier secrétaire du parti socialiste, l’homme-caoutchouc.


Vient enfin le dernier mensonge, Monsieur le Premier Ministre. Vous seriez l’otage du Rassemblement National. L’extrême droite a 142 députés. Ils ne peuvent faire tomber votre Gouvernement qu’en bande organisée avec le NFP. J’attends avec impatience qu’ils expliquent cela à leurs électeurs, et surtout comment composer, pour vous succéder, un Gouvernement lepéno-mélenchoniste. Mélenchon ne veut pas de Premier ministre de gauche et Le Pen sait que son parti est incapable pour l’heure de gouverner. Ce n’est pas une assurance-vie, mais votre Gouvernement, Monsieur le Premier Ministre, est loin d’être condamné d’avance.


Vous êtes légitime. Vous n’avez pas de majorité absolue mais vous rassemblez tous ceux, de la droite républicaine au centre et à la gauche modérée, qui ont fait le choix de la responsabilité. Ils sont le camp de la raison que notre Groupe des Indépendants appelle de ses vœux depuis des mois. Et vous êtes après deux ans d’Assemblée Nationale transformée en zone à délirer, le Premier Ministre de l’apaisement.


Quelles sont les priorités ? Mais il n’y a que des priorités : le budget, le déficit, la dette, la Nouvelle-Calédonie, le logement, l’agriculture, l’immigration, la transition écologique, sans oublier l’Ukraine et le Moyen-Orient et toutes les crises dans le monde que la France ne peut ignorer. Ces priorités étaient la base de votre discours et de tous les discours de mes collègues. Je ne les détaillerai pas à mon tour.


Qu’il me soit seulement permis de dire pour terminer que nous soutenons votre engagement dans cette démarche difficile et courageuse. Vous disposerez  d’une large majorité au Sénat qui tentera de compenser l’absence de majorité absolue à l’Assemblée et de combattre les tentatives des populistes pour saper notre démocratie.


Les Français sont fatigués de la révolution permanente, fatigués de la ZAD à l’Assemblée qui a recommencé hier dès l’ouverture de la session, fatigués des démagogues qui promettent la lune et amènent la ruine partout où ils sont au pouvoir. Votre programme, avec humilité et responsabilité, en est l’exact contraire. C’est une raison supplémentaire pour que nous le soutenions.

Interventions au Sénat

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