16 juillet 2020
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la politique générale
Monsieur le Premier Ministre,
Pendant la guerre du Vietnam le monde entier s’était moqué d’un commandant américain, accusé d’avoir rasé un village, qui avait eu cette explication bizarre : « Lorsque nous sommes arrivés, l’ennemi était déjà là. Pour sauver le village, nous avons dû le détruire ».
Aujourd’hui, pour sauver le monde de la pandémie, il a fallu sacrifier l’économie. Voilà la situation redoutable dans laquelle vous entamez votre mandat. Autant dire qu’on vous a confié un job à 10 000 aspirines, Monsieur le Premier Ministre.
Mais il faut toujours regarder le bon côté des choses, surtout quand il n’y en a pas. Le temps dont je dispose étant inversement proportionnel à l’ampleur du sujet, je me bornerai à trois réflexions.
La première est le mythe de l’Etat Père Noël.
La France va sortir essorée de la crise. Les démagogues vont se déchaîner. Et d’abord les marchands d’illusion de la dépense publique illimitée, alimentée par un improbable quatuor Soros Minc Pigasse Mélenchon qui ont décidé de promouvoir en commun l’idée qu’il est devenu ringard de rembourser ses dettes. Les rois d’autrefois avaient déjà trouvé une solution, qui consistait à trancher la tête de leurs créanciers. Le monde est devenu plus doux. Aujourd’hui on nous propose seulement de les ruiner.
Les économistes s’affrontent désormais là-dessus sur twitter et sur BFM, comme les médecins sur la chloroquine. Le principal intérêt de ces débats est de redonner les lettres de noblesse aux astrologues.
Mais ce qui est grave, c’est que cette croyance va faire déployer toutes les banderoles à la rentrée, puisqu’elle implique qu’il n’y a plus de limite au financement à crédit et à l’infini de toutes les politiques publiques. Elle renforce l’idée bien française que l’argent public est comme l’eau bénite et que chacun peut se servir.
Bien sûr, pour l’heure il n’y a pas d’autre solution que le keynésianisme sous stéroïdes adopté par le monde entier et qui nous a tellement manqué en 2009 de la part d’une Banque Centrale Européenne plus proche d’un club sado-masochiste que de la bouée de sauvetage qui nous aurait remis à flot. Et vous avez raison d’y recourir. Mais gardons-nous de confondre plan de relance et financement de déficits incontrôlés. Sinon, vu la dette que nous laisserons à nos enfants, nous ne devrons plus être surpris que les bébés crient à la naissance.
Je dis cela parce qu’on ne parle à juste titre que de l’emploi, on a parfois l’impression que certains de nos concitoyens éprouvent quelque peine à envisager la reprise du travail. La France possède tout de même le seul syndicat au monde qui a déposé un préavis de grève le jour du déconfinement et traîné au tribunal les entreprises qui redémarraient à grand peine. Le Président de la République avait déclaré en Avril dernier : « Il n’y a pas d’argent magique ». Puissiez-vous, Monsieur le Premier Ministre, tenir ce cap et expliquer sans relâche que la clef de la reprise est le travail, pas l’argent tombé du ciel.
Ma deuxième remarque : Depuis les élections municipales nous sommes tous écolos. Le bonheur est dans le pré. C’est une excellente nouvelle. Mais quelle écologie ?
Le « tout le monde il est beau, tout le monde il est écolo » est trompeur car il y a deux écologies - je crois que vous l’avez dit hier à l’Assemblée, Monsieur le Premier Ministre - celle de la croissance et celle de la décroissance.
La convention citoyenne a accouché de trois sortes de mesures : des mesures techniques, souvent déjà entreprises comme la rénovation des logements. Pas de problème. D’autre part des solutions à la française qui ne coûtent rien, proclament des bons sentiments et rendent les lois bavardes (l’environnement dans la Constitution ou le crime d’écocide par exemple). Elles ne feront que gonfler encore nos codes, qui ressemblent déjà à des sculptures de Jeff Koons. Et enfin un catalogue de contraintes qui sont le fonds de commerce des ONG décroissantes. La décroissance est l’opium des bobos comme nous l’ont prouvé récemment avec éclat en Une du Monde, dans une proclamation aussi subversive que du fromage à tartiner, une brochette de stars-kérosène au bilan carbone le plus élevé de la planète. C’est risible, mais ça n’est pas drôle.
Ce qui est ennuyeux c’est que la convention s’est gardée de répondre aux questions essentielles : Comment parvenir à une énergie décarbonée dans l’hypothèse où l’on décide de se passer du nucléaire ? Comment faire cesser l’hypocrisie de l’importation de millions de tonnes d’OGM tout en interdisant les OGM à nos agriculteurs ? Comment faire payer les émissions de carbone chez nous et à nos frontières ? Et surtout quelles sont les pistes pour la seule solution réaliste au défi climatique : la croissance verte, l’innovation, les nouvelles énergies, les start-up, la recherche et développement, le capital-risque, la formation ?
La France a sabordé son industrie avec une méthode simple : tout ce qui bouge on le taxe, tout ce qui bouge encore on le réglemente, tout ce qui ne bouge plus on le subventionne. L’Europe a raté la grande révolution des quarante dernières années, le numérique. La prochaine révolution est celle des industries de la transition écologique que notre absence de pétrole devrait nous faire aborder avec plus d’atouts que nos concurrents, freinés par les lobbies de l’or noir. L’avenir est là, pas dans l’écologie du « gentils avec les arbres, méchants avec les hommes » qui ne fait croître que les ronds-points.
Votre troisième défi est celui du régalien. La situation est critique. Alors que de nombreuses catégories de français, à commencer par les soignants et les premiers de corvée ont été admirables, les droits de retrait dans l’administration ont atteint des sommets. La justice a quasiment suspendu son activité pendant trois mois, les greffiers n’ayant pas les moyens de télétravailler. Mais le dossier le plus alarmant est celui de la police. Sa crise touche aujourd’hui sa légitimité, ses doctrines d’intervention, son organisation et ses fonctionnaires.
Pas de chance pour nos policiers, après le chewing gum, le macdo, les westerns et le rock’n roll, on importe aujourd’hui d’Amérique les névroses sur la race qui n’ont rien à faire sur nos terres universalistes. Et le pauvre policier de banlieue est désormais traité de porc, comme celui de Chicago.
Il est temps que les politiques, les journalistes, les intellectuels, et surtout ceux du camp du Bien, terrorisés depuis toujours par la panique de ne pas être du côté des victimes, prennent conscience que le racisme n’est pas du côté de ceux qu’on accuse aujourd’hui mais du côté des faux antiracistes que sont les racialistes, les indigénistes et les décoloniaux.
Ecoutons la leçon de lucidité d’Abnousse Shalmani qui nous dit, je cite : « Une image m’a glacée lors de la manifestation pour Adama Traoré : un policier noir se fait harceler par la foule qui lui crie : « Vendu ! T’as pas honte ? » Reprocher à un homme noir d’être un policier équivaut exactement à interdire à un homme noir l’accès à la députation, à un bar ou à un mariage mixte sous prétexte de sa couleur. Ce qui résonne dans ce discours, c’est la prison de la victimisation et de l’essentialisation. » Fin de citation.
Nous attendons de votre gouvernement qu’il trouve les mots pour s’opposer à cette tragi-comédie burlesque. Autant que de moyens, ce dont ont besoin aujourd’hui les policiers, c’est de respect et de considération. Il faut répondre à ceux qui ont décidé de discréditer la police pour mieux discréditer l’Etat, que ce qui menace les français, ce sont les terroristes, les criminels, les dealers et les bandes armées de kalachnikov dans les rues, ce n’est pas la police.
Un dernier mot : Il ne faut jamais gâcher une crise disait Obama et je voudrais terminer sur l’immense et paradoxale opportunité que nous offre celle-ci, en saluant l’accord franco-allemand sur le plan de relance européen. Si nous arrivons à convaincre nos partenaires, alors la crise du Coronavirus aura pour conséquence un grand pas en avant de l’Europe. C’est pour payer l’énorme dette de la guerre contre les anglais que les américains ont, pour la première fois, rassemblé leurs Etats, et lancé la marche vers les Etats-Unis d’Amérique. Pour l’Europe, ce premier pas en vue de l’harmonisation financière, budgétaire et fiscale est essentiel. Nietzsche disait : « L’Europe ne se fera qu’au bord du tombeau ». Il prédisait, avec une vision prophétique, les guerres à venir et la sagesse de ceux qui, après 1945 ont jeté les bases de l’Union Européenne. Mais sa prophétie vaut aussi pour notre temps. Chaque crise depuis le traité de Rome a failli emporter l’Europe et chaque crise l’a renforcée. Celle-ci est sans doute la plus grave et c’est peut-être celle qui nous fera faire le plus grand pas. C’est le défi qui nous attend.
Je vous remercie.