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Claude MALHURET/Jean-Pierre GRAND : Soutien à l'Ukraine -adoption de notre proposition de résolution

07 février 2023


Proposition de résolution exprimant le soutien du Sénat à l'Ukraine, condamnant la guerre d'agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l'aide fournie à l'Ukraine (voir le dossier législatif)


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❌ L'engagement du Président Claude Malhuret pour un soutien clair à l'Ukraine face à l'agression russe

Le Sénat avait marqué sa solidarité avec l'Ukraine dès les premiers mois de l'invasion russe. Une délégation de plusieurs parlementaires et personnalités, dont le Président Claude Malhuret s'était rendu en Ukraine en avril 2022

Le 12 décembre 2022, le Président Claude Malhuret avait déposé, en application de l'article 34-1 de la Constitution, une proposition de résolution invitant le Sénat à affirmer son soutien à l'Ukraine, condamnant la guerre d'agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l'aide fournie à l'Ukraine, parce que cette guerre est une violation inacceptable du droit international et des droits de l'Homme, qu'elle est une négation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Cette proposition de résolution a été adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat.

 

Claude MALHURET - auteur de la proposition de résolution

Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Mes chers Collègues,


Je voudrais tout d’abord remercier les Présidents de Groupe et les très nombreux Sénateurs qui ont décidé de cosigner cette proposition de résolution. Remercier également le Président du Sénat qui lui confère une solennité particulière en demandant lui-même son inscription à l’ordre du jour du Sénat.

Un an après l’invasion de l’Ukraine nous avons appris plusieurs leçons fondamentales.


La première est l’ampleur des mensonges que le Kremlin a orchestrés sans relâche depuis des années pour justifier ses agressions successives : l’Occident est responsable de tout, l’OTAN menace la Russie, soutient des nazis et des criminels de guerre, multiplie les provocations, l’Europe est le valet de l’impérialisme américain. Ces discours délirants, relayés avec constance par le parti prorusse en Europe ont trompé beaucoup de monde. Ils ont volé en éclat le jour de juin dernier à Saint-Pétersbourg où Poutine lui-même a fini par avouer ce qu’il pense depuis toujours : l’Ukraine est russe et comme au temps de Pierre le Grand la Russie va reprendre par la guerre ses territoires perdus. Balayée la propagande, balayés tous les mensonges, balayée la fable de l’Occident menaçant. Empire colonial sous les tsars, la Russie fut le dernier empire colonial sous le communisme après la fin des empires anglais et français. Elle veut le redevenir et l’on comprend aujourd’hui le sens de la phrase prononcée par Poutine en 2005 : « la chute de l’URSS fut la plus grande catastrophe politique du XXème siècle. » Parce que la chute de l’URSS c’était la fin de l’Empire russe.


La deuxième leçon de cette guerre est que l’ampleur de ces mensonges n’a eu d’égal que l’ampleur de nos illusions et de nos lâchetés.


Ce n’est pas l’agressivité de l’Occident qui a conduit Poutine à envahir l’Ukraine, c’est sa passivité. En 2008 les leaders européens ont refusé à l’Ukraine et à la Géorgie l’adhésion à l’OTAN pour ne pas irriter Poutine. Quelques mois plus tard il envahissait la Géorgie. Quand il a envahi la Crimée, nous avons à nouveau répondu avec des sanctions bien modestes. Il est clair que les craintes infondées de provoquer Poutine, en le convaincant de notre faiblesse, ont ouvert la voie à l’invasion totale de 2022.


Cette erreur majeure d’analyse fut d’abord celle de l’Allemagne et de la France. Depuis trente ans la politique allemande est fondée sur la dépendance énergétique à la Russie, la dépendance commerciale à la Chine et le désarmement face aux deux. Celle de la France fut de courtiser la Russie pour trianguler sa relation avec les Etats-Unis en espérant acquérir une position indépendante sans en avoir les moyens politiques et militaires. Que signifie « puissance d’équilibre » quand il y a d’un côté une démocratie qui est notre alliée depuis plus de deux siècles, qui nous a sauvés lors de deux guerres mondiales et nous a évité de devenir la province occidentale du Reich allemand ou de l’Union soviétique, et de l’autre une kleptocratie mafieuse qui succède à un régime totalitaire ayant asservi l’Europe pendant des décennies ? Les avertissements répétés des européens de l’Est, qui savent, eux, ce que c’est que l’impérialisme russe ont été rejetés avec mépris comme des agitations de va-t’en-guerre hystériques. L’invasion de l’Ukraine nous montre l’échec de ces deux politiques et surtout l’urgence à ne pas les poursuivre.


L’apaisement et le compromis avec un dictateur n’ont jamais marché. Le dictateur avance devant la faiblesse et recule devant la force. C’est aussi simple que ça depuis toujours. Si l’Europe veut une paix durable sur le continent, elle doit apprendre le langage de la puissance, le seul que les dictateurs comprennent.

La troisième leçon est le degré de nuisance, de bassesse et de complicité du parti prorusse en Europe et particulièrement en France. Cette cinquième colonne des extrémistes qui cherchent sans relâche à nous désarmer face à un loup qu’ils présentent comme un mouton, qui depuis des années nous répètent que Poutine est le plus grand dirigeant du monde, qui reprennent mot à mot sur les réseaux antisociaux, avec les milliers de faux comptes, de trolls et de bots pilotés depuis Moscou, sur les télés RT et d’autres, la propagande de Poutine : l’Ukraine n’existe pas, elle est russe, ses dirigeants sont des nazis. Pouchkine, le grand poète russe, disait : « Qu’on nous donne une auge, nous trouverons les cochons ».


Ils sont la boussole qui indique sans jamais se tromper la direction du déshonneur par le chemin le plus sordide. Depuis l’invasion de l’Ukraine, Le Pen, la baronnette des guichets de Moscou et Mélenchon, le génuflecteur des plus infâmes dictatures, condamnent du bout des lèvres car ne pas le faire serait un suicide, mais ils ne changent pas d’avis : tout est de la faute de l’Occident, surtout pas d’armes, surtout pas de sanctions. Leurs Députés européens ont refusé de voter même l’aide humanitaire à l’Ukraine, leurs parlementaires français ont refusé de voter l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN. Lors du discours du Président de la rada ukrainienne à l’Assemblée mardi dernier, ils ont déserté l’hémicycle pendant que tous leurs collègues étaient debout pour l’applaudir. N’écoutez pas ce que disent les dirigeants des partis de la France russe, regardez leurs votes, regardez leurs gestes et vous comprendrez qu’ils n’ont rien lâché, qu’ils sont toujours en embuscade, comme des crapauds blottis sous une grosse pierre en attendant que passe l’orage.


Que faire aujourd’hui ? D’abord tirer les leçons de nos erreurs passées. Car nous ne les avons pas toutes tirées. Nous nous félicitons à juste titre que l’Europe ne soit pas divisée, comme l’espérait Poutine, mais unie, que notre alliance avec les Etats-Unis et les autres démocraties se soit renforcée, que le soutien à l’Ukraine reste constant. Que les opinions publiques, horrifiées par les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité chaque jour sur leurs écrans, tiennent bon. Mais attention : les différences d’appréciation entre européens de l’Ouest et européens de l’Est et du Nord n’ont pas disparu. Et chaque étape du conflit voit réapparaître l’écart entre ceux qui se qualifient de « réalistes » et ceux qui veulent aller plus loin et plus vite.


Les « réalistes » craignent l’escalade. Ils pensent qu’il y a des lignes rouges à ne pas franchir. Chaque épisode de cette guerre prouve qu’ils ont tort. En refusant l’escalade ils en laissent le monopole à Poutine. Et font perdre à chaque fois les semaines nécessaires à la contre-offensive. Ces semaines, ces mois parfois, ce sont des milliers d’ukrainiens qui meurent. Les lignes rouges, nous savons désormais qu’elles ne sont que le fruit de nos peurs. Chaque fois que Poutine les trace et qu’elles sont franchies, il ne se passe rien : comment pourrait-il frapper plus fort alors que son armée, minée par la corruption qui ronge son matériel, l’incompétence de ses chefs et la défiance de ses soldats, est déjà au-delà de son maximum et paralysée sur tous les fronts ?


Quant à la rengaine du danger nucléaire, Poutine laisse désormais Medvedev le pochard et Lavrov le croque-mort les brandir sur les plateaux des trash télés de Moscou. Il a compris, depuis la mortifiante réunion de Samarcande où Xi et Modi l’ont mis publiquement au piquet qu’elle lui est interdite, même par ses plus proches alliés. Cessons de nous faire peur avec ce disque rayé depuis 50 ans.


Le but n’est pas de permettre à l’Ukraine de résister mais de chasser l’occupant. Si nous avions livré dès le début ce que nous nous apprêtons à livrer aujourd’hui, l’Ukraine n’aurait pas seulement reconquis Kharkhiv et Kherson, mais largement progressé dans le Donbass profitant de la déroute russe. Ce sera bien plus difficile maintenant qu’on leur a laissé le temps de se retrancher. Mais c’est néanmoins un bon signe que de plus en plus de dirigeants européens, hier dans le camp des « réalistes » soient en train de comprendre que la livraison massive d’armes n’aurait pas eu pour conséquence de prolonger la guerre mais au contraire de l’écourter par la débâcle des envahisseurs.


Mieux vaut tard que jamais. C’est maintenant qu’il faut livrer les chars, les missiles, les défenses sol-air et les avions si nous voulons, comme le promettait le Président de la République lors de ses vœux « accompagner l’Ukraine jusqu’à la victoire finale ».


Il est enfin une dernière raison, encore plus essentielle, de ne pas répéter les erreurs du passé. Les démocraties, au terme d’une lutte implacable, ont vaincu au XXème siècle les deux totalitarismes aux dizaines de millions de morts. Certains les croyaient disparus à jamais. Sous nos yeux l’internationale des tyrans se reforme. Le boucher de Moscou, le génocidaire des Ouighours en Chine, le docteur Folamour de Corée du Nord, le massacreur de femmes de Téhéran et quelques autres se sont regroupés. Leur seul but : se venger, abattre l’Occident, mettre à bas la liberté.


La deuxième guerre froide a commencé, et depuis plusieurs années. Beaucoup de dirigeants occidentaux proclament que nous ne sommes pas en guerre contre la Russie. J’espère bien que ce discours n’est que tactique et qu’ils n’en croient pas un mot. Parce que les dictateurs eux l’annoncent clairement : ils sont en guerre contre nous. Ils veulent achever les démocraties qu’ils croient agonisantes. Il n’y aurait rien de pire que de croire que nous ne sommes pas en guerre contre des gens qui sont en guerre contre nous et qui le disent. Quant au reste du monde il attend l’issue du conflit pour voler au secours de la victoire. Ceux qui en espéraient une certaine sympathie se trompent lourdement. Les dirigeants bien peu démocratiques de la plupart de ces pays se moquent de savoir si Poutine a violé les lois internationales. Ils ont même pour mantra la justification de leurs méfaits actuels par la condamnation de notre domination passée. L’Europe doit comprendre l’urgence de redevenir une puissance militaire, d’avoir une stratégie commune et de consolider notre alliance avec les autres démocraties du monde, à commencer par les Etats-Unis. Si nous n’y arrivons pas, si nous laissons les cinquièmes colonnes des fachos, des trotskistes, des populistes et des idiots utiles nous conduire à l’aveuglement et au renoncement, alors ce n’est pas seulement l’Ukraine demain qui sera vaincue, mais la liberté. Il est temps de réarmer les démocraties face aux tyrannies du XXIème siècle. Le peuple héroïque d’Ukraine nous en montre le chemin.


Je vous remercie.


 

Jean-Pierre GRAND - Orateur de notre Groupe

Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Mes chers Collègues,


Sidéré par la brutalité des événements d’Ukraine depuis le 24 Février dernier, nous nous devons de garder la mémoire du temps long pour en saisir le sens et la portée.


Sachons ne pas oublier la longue période de dictature et d’oppression du régime communiste dans l’URSS d’alors et l’enfermement de ce régime dans une confrontation toujours plus acharnée.


Sachons ne pas oublier ce qu’ont signifié la chute du mur de Berlin et la partition de son empire, source de nostalgie et de ressentiment parmi les dirigeants de ses forces armées.


Vladimir Poutine n’a jamais fait mystère de ses sentiments sur cette page d’histoire qu’il a rappelée en 2005, la plus grande catastrophe géopolitique du XXè siècle.

Remodeler les frontières de la Russie, s’inscrire dans l’Histoire comme le dirigeant qui lavera les affronts de l’Histoire contemporaine à son pays, c‘est son obsession.


En 2008, Vladimir Poutine a jeté son dévolu sur l’Ossétie et l’Abkhazie en Géorgie et six ans plus tard sur le Donbass et la Crimée.


Le 24 février dernier, l’emballement de l’Histoire nous rappela que la Russie n’avait pas renoncé à conquérir l’Ukraine.

Dans l’esprit des Nationalistes Russes une victoire militaire en quelques semaines contre l’Ukraine se serait traduite par un triomphe de Vladimir Poutine.

Dans cet esprit, Poutine tente aujourd’hui de réhabiliter Staline pour remotiver un nationalisme Russe confronté au doute que lui inspirent les revers de l’armée Russe.


La réalité, est bien là, la Russie est loin d’avoir pu conquérir l’Ukraine et remplacer le Gouvernement de Kiev.

Vladimir Poutine a sous-estimé la réaction occidentale et en particulier la capacité de l’Union Européenne d’organiser son unité pour porter secours à une Nation voisine envahie.

Les Etats Unis par leur envoi massif d’équipements militaires, leur aide financière, affichent leur soutien moral et politique à l’Ukraine.

Vladimir Poutine et ses généraux ont sous-estimé la force du patriotisme du peuple Ukrainien, ses capacités militaires, tactiques, mécaniques et bien sûr le courage, la force politique du Président Zelenski qui a su mobiliser son peuple et obtenir le soutien d’un grand nombre de démocraties.

Mes chers Collègues, l’indicible de cette guerre, ses crimes, sa barbarie, ses milliers et milliers de morts, la déportation de citoyens et même d’enfants : tout cela l’Histoire ne l’oubliera pas.


Tôt ou tard, les dirigeants Russes devront rendre comptes.

Mais aujourd’hui chaque Français voudrait voir cesser cette guerre aux conséquences désormais ressenties dans leur vie quotidienne.

Monsieur le Ministre beaucoup s’interrogent sur le rôle de la France.


Ici au Sénat nous savons que la France, plus qu’aucun autre Pays, a conscience que son soutien sans réserve à l’Ukraine, ne la dispense pas, au contraire l’oblige, à maintenir une action diplomatique ambitieuse et dans un même temps à livrer de l’armement aux Ukrainiens et en plus sécuriser sa présence sur tous les continents.


La France, dont l’engagement pour la Paix n’est plus à démontrer, seul État de l’Union européenne à disposer d’un siège au Conseil de sécurité de l’ONU, se doit de développer une diplomatie de temps de guerre. C’est sa ligne politique de toujours.

La France, voix de la Paix, sait anticiper les cataclysmes, souvenons-nous il y a 20 ans, presque jour pour jour, de la position de Jacques Chirac et du discours de Dominique de Villepin à l’ONU contre la guerre en Irak.


Le message de la supériorité du Droit sur la Force reste plus que jamais d’actualité.


Aujourd’hui, qui peut imaginer que le Président de la République, sa Ministre des Affaires étrangères et notre diplomatie ne sont pas dans la même stratégie de lucidité pour aider à jeter les bases d’une Paix durable en Ukraine, sans renier ou affaiblir le soutien occidental à cette Nation martyr et encore moins l’amener à renoncer à ses frontières reconnues par les Nations Unies.


Cette sale guerre, menée par la Russie, s’étend aussi dans le même temps auprès des Pays émergents dont les peuples, vivant dans la pauvreté, sont une proie facile pour Vladimir Poutine et sa milice Wagner.

Les récents coups d’État militaires en Afrique facilitent le retournement contre la France des populations abusées.

Une déstabilisation de l’Afrique conduira mécaniquement à l’exode de ses populations vers le continent Européen.

Voilà une arme redoutable imaginée par le Kremlin pour déstabiliser l’Europe.


Déstabiliser l’Afrique pour déstabiliser l’Europe c’est aussi cela la guerre que nous mène Vladimir Poutine.


Enfin, une autre conséquence de la guerre en Ukraine et de la stratégie Russe, que la France doit gérer avec ses partenaires, dans sa diversité et sa complexité, c’est le risque du retour d’un sentiment politique contre l’Occident, qui ne manquera pas, là aussi, de créer de multiples problèmes de tous ordres aux quatre coins du Monde.


Des alliances improbables, il y a encore quelques mois, pourraient devenir une réalité dès lors qu’elles serviraient les intérêts de la Nation.

Voilà, quelques raisons, Mes chers Collègues, qui forgent notre détermination à soutenir l’Ukraine.

Interventions au Sénat

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