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Claude Malhuret - QAG : Situation en nouvelle-Calédonie

22 mai 2024

Question d'actualité au Gouvernement



Question de Claude Malhuret, Président du Groupe Les Indépendants – République et Territoires, Sénateur de l’Allier, à Gabriel Attal, Premier Ministre.


Monsieur le Premier ministre,


En s'envolant vers la Nouvelle-Calédonie, le Président de la République sait qu'il doit faire face, dans l'urgence, à un double défi : conforter l'indispensable retour à l'ordre qui n'est pas assuré à ce jour, mais aussi sauvegarder la possibilité d'un accord global, institutionnel, politique et économique avec tous les acteurs de l'archipel. C'est la très délicate équation des jours à venir.


Je voudrais tout d'abord vous demander, Monsieur le Premier ministre, si vous pouvez faire le point devant le Sénat sur les conditions de sécurité dont nous parviennent, selon les interlocuteurs auxquels on s'adresse, à Paris ou à Nouméa, des informations contradictoires, et sur les problèmes préoccupants de santé, d'approvisionnement, de liaison aérienne, entre autres.


Ma deuxième question porte sur, je cite, "l'installation d'une mission" évoquée par le Président de la République. J'ai bien conscience du fait qu'avant même l'arrivée du Président à Nouméa, il vous est difficile de faire des annonces qui bien évidemment lui reviennent. Mais peut-être pouvez-vous déjà nous donner quelques précisions sur les conditions et les objectifs de cette mission.


Enfin, les ingérences étrangères, une fois de plus, n'ont pas été pour rien dans le déclenchement et l'aggravation des violences. Contrairement aux défenseurs autoproclamés de la liberté d'expression, qui portent plainte contre l'État car ils estiment que les messages sur Tik Tok du genre « on va brûler les maisons des blancs » font partie du débat démocratique normal, j'approuve votre décision de suspendre cette plateforme en Nouvelle-Calédonie.


Cette décision m'amène à ma dernière question, quelle est l'analyse et quelle sera la réponse du Gouvernement face à l'immixtion de ce réseau chinois et à celle de l'Azerbaïdjan dans les affaires intérieures de notre pays ? Auxquelles il faut ajouter depuis cette nuit, juste avant l'arrivée du Président, l'intolérable provocation russe d'une attaque informatique massive destinée à mettre à bas l'ensemble du réseau internet de l'Île.


Je vous remercie.


Réponse de Gabriel Attal, Premier Ministre.


Merci, Monsieur le Président.

Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs,

Monsieur le Président Malhuret,


Les violences qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis plus d'une semaine désormais sont d'une très grande gravité. Et si la situation s'améliore peu à peu, elle reste tendue et fragile.


En quelques jours, des quartiers entiers ont été ravagés, des bâtiments détruits, des magasins pillés. En quelques jours, des dizaines de personnes ont été blessées.


Deux gendarmes qui accomplissaient leur mission ont perdu la vie. Deux gendarmes qui portaient l'uniforme de la République, deux gendarmes qui étaient engagés pour une mission claire, la plus noble de toutes, faire respecter les lois de la République. Évidemment, je veux leur rendre hommage, rendre hommage à leur courage, à leur bravoure, et dire toute la solidarité de la Nation à leurs proches.


Quatre personnes ont perdu la vie à l'occasion des émeutes. Évidemment, je veux avoir un mot aussi pour leurs familles. Je ne me résoudrai jamais à ce que des jeunes perdent la vie dans une spirale de violences comme ce que nous avons connu.


Monsieur le Président, face à cette situation, notre première priorité, c'est évidemment de rétablir l'ordre et le retour au calme. Nous avons immédiatement réagi. Le Président de la République a présidé trois conseils de défense et de sécurité nationale. À sa demande, l'état d'urgence a été déclaré. Un couvre-feu a été instauré. Les rassemblements ont été interdits. Et vous l'avez rappelé, nous avons suspendu l'accès à un réseau social en Nouvelle-Calédonie.


J'ai présidé cinq cellules interministérielles de crise pour suivre la situation au plus près et prendre les décisions qui s'imposent. Un pont aérien a notamment été mis en place qui a permis de déployer sur place, en quelques jours seulement, un millier de forces de sécurité intérieure supplémentaires, ce qui porte à l'heure à laquelle nous nous parlons, à 2700 personnes et forces de sécurité intérieure, présentes sur place et elles continuent à arriver. Il y aura plus de 3000 forces de sécurité intérieure dans les toutes prochaines heures. C'est le double de ce qu'il y avait avant le déclenchement de cette crise.


Avec le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, nous sommes pleinement mobilisés. Vous m'interrogez sur les conditions de sécurité actuellement sur place. Des opérations d'ampleur ont été menées. 90 barrages ont été dégagés. 306 émeutiers ont été interpellés.


Évidemment, nous sommes mobilisés pour que la réponse pénale soit ferme. C'est en ce sens que le Garde des Sceaux a pris une circulaire pénale pour demander la plus grande fermeté. Des mandats de dépôt sont prononcés. Évidemment, nous souhaitons que des condamnations interviennent parce qu'on ne peut pas tolérer et accepter ce déchaînement de violence et ça ne peut pas rester impuni.


Sur la situation sur place, elle reste évidemment encore difficile pour beaucoup d'habitants de la Nouvelle-Calédonie.


Il faut continuer à agir pour lever les barrages restants, reprendre le contrôle de l'ensemble des quartiers de Nouméa et plus largement des villes de l'agglomération de Nouméa.


Et puis, il y a un enjeu évidemment extrêmement central pour les habitants de la Nouvelle-Calédonie, c'est la vie quotidienne, notamment l'approvisionnement en denrées alimentaires et l'accès aux soins. Sur ce sujet-là, beaucoup a été fait ces derniers jours pour garantir un circuit de distribution alimentaire.


Pour être très clair, on a fait le point très régulièrement avec le Haut-Commissaire. La Nouvelle-Calédonie dispose évidemment des stocks, des denrées suffisantes, plusieurs semaines d'avance, mais le réseau de distribution a été considérablement fragilisé. D'abord parce que des routes ont été bloquées, ensuite parce que des magasins ont été pillés et ont été détruits. Et donc le Haut-Commissariat, avec le soutien des forces de sécurité intérieure, a pris beaucoup de mesures pour garantir un circuit de distribution et d'approvisionnement qui se déploie progressivement.


Évidemment, il y a ensuite l'enjeu de la reconstruction pour aller de l'avant. Le Ministre de l'Économie et des Finances a reçu l'ensemble des forces économiques, par visioconférence évidemment, pour avancer. Ce matin même, il était avec les assureurs et les banquiers pour avancer.


Nous restons sur le qui-vive donc, et nous le resterons tant que le calme ne sera pas parfaitement rétabli, tant que la vie normale n'aura pas repris.


Je le dis, ces émeutes sont une remise en cause directe de ce qui est le plus nécessaire à l'archipel. La capacité à vivre ensemble. La capacité pour toutes les communautés de Nouvelle-Calédonie d'écrire un destin commun dans le respect des uns et des autres.


Ce vivre ensemble, c'est ce qui a guidé les Accords de Matignon, c'est ce qui a guidé les Accords de Nouméa, c'est ce qui guide encore aujourd'hui notre action.


Je veux saluer ici la responsabilité de l'ensemble des élus et l'ensemble des forces politiques de Nouvelle-Calédonie qui, ensemble, ont appelé au calme.


Parce qu'il n'y a pas de dialogue possible quand il y a violence.


Or, l'histoire de la Nouvelle-Calédonie nous l'a appris, des avancées immenses sont possibles dès lors que le dialogue se noue. C'est en ce sens que le Président de la République se rend sur place. Il y arrivera dans quelques heures.


Vous m'interrogez sur le sens de son déplacement. Le Président de la République vient pour engager une discussion qui devra permettre à un accord politique global d'émerger. C'est le sens de son déplacement.


Il s'y rend avec un groupe de contact. Il sera, le Président de la République, au contact de l'ensemble des forces vives de la Nouvelle-Calédonie : politique, économique, de la jeunesse, de la société civile, coutumière. Et, à travers les personnalités qui l'accompagnent et qui resteront sur place autant qu'il le faudra, nous parviendrons à faire émerger un accord politique global.


C'est la seule voie possible pour atteindre ce que le Président de la République avait appelé lui-même de ses vœux il y a un an en Nouvelle-Calédonie dans un discours important, « le chemin du pardon et le chemin de l'avenir ».


C'est pour cela que nous sommes engagés.

Interventions au Sénat

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