13 octobre 2021
Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 21 et 22 octobre 2021
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
Dans ses mémoires d’outre-tombe Chateaubriand s’interrogeait sur les chances que pouvait offrir une jeune Europe. La crise que nous traversons fait émerger une nouvelle Europe qui, je l’espère, s’emploiera à résoudre les problématiques vitales qui sont les siennes.
Autant vous le dire, je veux délivrer un message europtimiste, et pour cela je serai critique. L’Europe a beaucoup de chances à offrir à ses citoyens, à ses entreprises et à sa jeunesse. Cependant, elle doit se donner les moyens de remplir ses objectifs.
Nous ne le répèterons jamais assez. L’Union européenne doit bâtir sa souveraineté. A la lumière des récents évènements, je pense à deux priorités : la stratégie et l’industrie.
Très attachée à la relation euro-américaine, je pense toutefois, comme beaucoup désormais, que peu importe le Président des États-Unis, l’Union européenne doit rester la seule maîtresse de son futur.
Le pacte de défense tripartite liant les Américains les Australiens et les Britanniques, dit Aukus, n’est pas qu’un revers pour la France, c’en est un pour l’Europe. Nous ne sommes pas considérés comme pouvant apporter une protection suffisante à un pays qui craint de plus en plus le régime chinois. Le « en même temps » européen vis-à-vis d’une Chine qui se durcie ne peut plus durer.
Les réactions européennes doivent être à la hauteur. Une réponse diplomatique doit être apportée, claire et commune. Mais, nous devons désormais développer une véritable stratégie en matière de défense européenne et d’industrie d’armement. Le reste du monde avance ses pions, il n’est pas concevable que l’Union européenne reste dans ses atermoiements !
Monsieur le Ministre, quel sera votre message au Conseil sur le sujet et plus largement quelles orientations concernant le livre blanc de la défense européenne soutiendrez-vous ?
La question du message se pose aussi sur notre participation à l’OTAN en tant qu’Union. J’y suis très attachée. Cependant, nous ne sommes pas les obligés de nos alliés ! Pour ne pas être simplement des suiveurs, nous devons avoir une stratégie lucide et cohérente. Le dossier afghan et sa gestion unilatérale n’est qu’un exemple parmi d’autres. Nous serons confrontés à d’autres situations de ce type. Elles entraineront des réflexions sur divers sujets comme notre pacte asile et migration. Notre monde connaît de fortes déstabilisations. Nous devons définir une politique multidimensionnelle fiable pour réagir à temps.
Ma seconde priorité pour reprendre le contrôle de notre souveraineté concerne le secteur industriel. L’Union européenne est capable d’agir. Elle le prouve d’ailleurs durant cette crise, je pense au travail formidable que fait notre commissaire européen Thierry Breton quant aux vaccins.
Notre souveraineté est primordiale sur les questions numériques. Les négociations autour des textes DMA et DSA montrent tout l’intérêt d’une vision et d’une action rapide et efficiente. La guerre des données ne fait que commencer et les européens, tout en se protégeant de toutes déstabilisations extérieures, devront être un acteur incontournable.
Le sujet des propos haineux sera à mon sens central lors de la négociation de ces textes. L’échelon européen est le plus intéressant pour lutter contre ces dérives, notamment sur les réseaux sociaux. A ce titre, j’aimerai faire une recommandation sur le cyberharcèlement, surtout en milieu scolaire. La présidence française doit en faire une grande cause européenne. Nos jeunes sont notre futur, protégeons-les !
Notre souveraineté, c’est notre liberté et notre indépendance. J’en veux pour exemple les questions énergétiques et les problèmes récents. Des efforts industriels dans ce secteur sont nécessaires pour cette souveraineté, mais également afin de remplir nos objectifs, notamment de lutte contre le dérèglement climatique.
L’un de nos fleurons français remplit ces objectifs et est pourtant menacé. Je le dis sans détour, la taxonomie verte européenne ne peut pas exclure l’énergie nucléaire.
Les investissements doivent se poursuivre vers cette technologie dans un souci d’efficacité, de sûreté et de production. Notre mix électrique a tout de même besoin d’une part de nucléaire, même si cette dernière est appelée à se réduire.
Évoquer notre bouquet énergétique me permet de faire un point sur d’autres filières essentielles. Je parle bien sûr des EnR. Leur déploiement en Europe nécessite un développement industriel et donc des moyens dédiés. A l’image de ce qui est réalisé sur les batteries, l’Union européenne doit effectuer le même travail de coopération sur les secteurs clefs.
Monsieur le Ministre pouvez-vous nous détailler les dossiers industriels européens que la France a identifié comme prioritaires et qui seront portés lors de la Présidence ?
Enfin, je terminerai rapidement en évoquant le sujet qui nous préoccupe tous profondément. La Pologne a dépassé une limite dans la remise en cause de la primauté du droit de l’Union européenne. Nous attendons bien-sûr l’analyse et la réaction de l’Union européenne. Elle doit être à la hauteur de l’enjeux : la survie de l’Union.
Monsieur le Ministre, l’Union est en danger et une réflexion plus profonde doit se poursuivre. Quelle vision la France portera afin de sortie de la crise qui s’installe et plus largement de réinventer l’Union ?
Monsieur le Ministre, notre Union européenne doit prendre son destin en main. Personne ne pourra, ni ne voudra le faire à sa place. Il faut maintenant avancer, même si hélas certains ne veulent pas aller aussi vite que nous.