08 janvier 2020
Débat sur le thème "La pédopsychiatrie en France"
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,
Avant toute chose, je souhaite remercier le groupe CRCE d’attirer l’attention du Sénat et du Gouvernement sur la question de la pédopsychiatrie en France. Nous devons être attentifs aux difficultés d’accès aux soins pour les enfants et les adolescents atteints de troubles psychiatriques. La pédopsychiatrie souffre d’une crise de vocation, comme en témoignent les nombreux postes laissés vacants, et ce sont les patients vivants en territoires ruraux qui sont les plus pénalisés.
Ce débat est l’occasion de soulever un problème de santé publique majeur, que notre groupe a déjà évoqué lors de l’examen de l’article 25 sur la réforme de la psychiatrie dans le cadre du PLFSS pour 2020. Monsieur le Ministre, vous souhaitez réformer et renforcer la psychiatrie, nous devons agir ensemble, parlementaire et Gouvernement pour trouver des réponses d’urgence et de long terme à ce secteur en difficulté.
Un million de jeunes par an sont confrontés à des problèmes de santé mentale. Nous savons que dans ce domaine, plus la prise en charge est précoce, c’est-à-dire dans les cinq premières années de développement de la maladie, plus les chances de guérison sans séquelles et sans risque de récidives sont élevées.
Or, faute de pédopsychiatres disponibles, les délais de prise en charge sont de plus en plus longs. Dans de nombreux départements dont la Corrèze, les services n’ont plus les moyens d’assurer leurs missions et il est très souvent impossible d’avoir une consultation ou même un avis en urgence.
Une situation de souffrance psychique prolongée peut favoriser l’apparition de pathologies psychiatriques durables si elles ne sont pas surveillées et prises en charge. Nous savons également que certains troubles rencontrés au cours des premiers âges de la vie peuvent ré-émerger au moment de l’adolescence ou lors de périodes de rupture. Nous devons répondre à toutes les situations tout en étant très réactifs dans la prise en charge des cas urgents.
La société évolue rapidement et nous constatons l’apparition de nouveaux besoins en réponse à ces évolutions. Nous le constatons particulièrement en milieu scolaire, avec des problèmes récurrents de phobies, de troubles de l’apprentissages, de radicalisation et également des problèmes de harcèlements, accentués par l’essor des réseaux sociaux. Nous avons soulevé ce problème lors de l’examen de la loi contre la haine en ligne au Sénat. Chaque année, 700 000 élèves en sont victimes dans le cadre scolaire et un grand nombre de pathologies sont développées en raison de l’insuffisance de réactions des adultes et des pouvoirs publics. « Dès lors qu’autrui me regarde » écrivait Emmanuel Levinas « j’en suis responsable ».
Les attentes sont fortes en matière d’efficacité de la prise en charge. Nous devons tout faire pour protéger et soigner les plus jeunes afin de préserver leur développement et leur intégration ultérieure dans la vie active. Selon l’OMS, 50% des maladies psychiatriques de l’adulte apparaissent avant 16 ans.
Aussi, la première priorité est la nécessité d’intervenir au stade le plus précoce possible, lorsque les chances de rémission et la réponse aux traitements sont les meilleures.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 qui implique un examen systématique des enfants notamment lors de leur entrée en CDE va dans le bon sens.
Il s’agit aussi d’éviter les complications liées à l’absence de traitement qui influencent à long terme le parcours de l’enfant. Soigner le plus tôt possible, c’est aussi prévenir les risques d’isolement, de décrochage scolaire, d’addiction.
La deuxième priorité, c’est la continuité des soins, souvent absente faute de moyens, et de liens indispensables entre la pédopsychiatrie et le médico-social. Dans les familles d’accueil et surtout dans les maisons d’enfants à caractère social, où se retrouvent les enfants après le CDE, le personnel doit avoir accès rapidement aux pédopsychiatres, car un enfant avec des troubles du comportement et violent peut déstabiliser un établissement et user l’équipe éducative.
Pour répondre à ces besoins, nous devons développer des équipes mobiles de psychiatrie et pédopsychiatrie, en particulier en zone rurale. La télémédecine pourrait dans certains cas jouer un rôle notamment dans les MECS. Ces équipes mobiles pluridisciplinaires gérées par l’ARS comportent à la fois des infirmiers, des psychologues et des pédopsychiatres. Elles apporteraient un renfort ponctuel à l’équipe en place au sein du lieu de prise en charge du mineur. Ces équipes se déplaceraient également au domicile pour faciliter l’accès aux soins. Leur intervention paraît particulièrement pertinente durant les périodes de crise pour être une alternative à l’hospitalisation et assurer une continuité des soins après stabilisation de l’état du patient et faciliter son retour dans la structure médico-sociale ou au sein de sa famille.
Monsieur le Ministre, je suis convaincue que les équipes mobiles de pédopsychiatrie contribuent à améliorer considérablement la prise en charge des patients et le bon fonctionnement des établissements, CDE et MECS. Avez-vous la volonté de développer ces dispositifs, notamment en milieu rural ?
Seul le prononcé fait foi