8 octobre 2024
Débat sur la croissance de la dette publique de la France
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
Je veux vous parler d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. En ce temps-là, en France, la dette publique avoisinait les 60 % du PIB et le déficit était maîtrisé autour des 3 %. Outre-Rhin, la situation était à peu près la même. En ce début du XXIᵉ siècle, la France et l'Allemagne respectaient chacune les critères de Maastricht. C'est le moins que l'on puisse attendre du couple franco-allemand : qu'il donne l'exemple au niveau européen.
Aujourd'hui, notre dette publique dépasse les 100 % du PIB et le déficit public s'est durablement installé au-dessus des 5 %. Le Gouvernement présentera jeudi le projet de loi de finances pour 2025. L'effort pour réduire le déficit est annoncé entre 45 et 60 milliards d'euros, selon que l'on compare avec le budget exécuté cette année ou avec un budget qui n'a jamais existé, qui, je l'espère, n'existera jamais.
Quelle que soit l'année de référence, il est nécessaire, Monsieur le Ministre, que l'effort repose bien davantage sur les dépenses que sur les recettes. Au reste, cet effort nous permet seulement de contenir le déficit à 5 % du PIB. Autrement dit, cet effort, qui s'annonce déjà difficile, continuera de creuser la dette.
Si nous en sommes arrivés là, c'est que pendant plus d'un demi-siècle, la France a voté des budgets en déficit. Cette incurie est une faute collective. Il faut maintenant la corriger. La solution la plus évidente, ce serait de voter un budget à l'équilibre, voire en excédent. Mais ce remède, un brin radical, j'en conviens, risquerait en fait d'être plus grave que le mal à soigner.
Car le mal profond, mes chers Collègues, c'est l'addiction chronique à la dépense publique. Et après 50 ans d'accoutumance, on ne se soigne pas du jour au lendemain, mais de façon progressive. Il faut suivre la devise des médecins : "surtout ne pas nuire". Le chemin sera long et douloureux, c'est notre responsabilité de le dire.
Nous sommes nombreux ici à tenir ce langage depuis plusieurs années. Je pense bien sûr à notre Rapporteur général, Jean-François Husson, qui a toujours fait preuve de constance en la matière, et à son prédécesseur qui vient de s'exprimer. Pour ne pas dévier de ce cap, pour tenir bon, nous devons dire et répéter une vérité : la croissance de la dette menace notre souveraineté.
Notre dette est détenue à plus de 50 % par des acteurs étrangers. Malheureusement, rien ne garantit que ces créanciers soient alignés avec l'intérêt général de la Nation. Cette question nous impose de raisonner sans céder à la paranoïa. Or, le plus sûr en la matière, c'est qu'un créancier, qu'il soit français ou étranger, tient d'abord et surtout à être payé. Et c'est notre devoir que de payer nos dettes.
Mais là réside l'ineptie de la situation. Chaque titre émis par le Trésor français est une obligation faite aux contribuables français de payer des créanciers étrangers. Ce n'est pas la meilleure façon d'employer les deniers publics. La charge de la dette sera bientôt le premier budget de l'État, vous l'avez esquissé, Monsieur le Ministre.
Nous consacrerons donc plus d'argent à payer nos créanciers qu'à payer nos enseignants, nos médecins et nos militaires. Cette situation n'est pas tenable. Elle prépare le terrain à des solutions plus radicales et sans doute moins souhaitables.
Si nous voulons les éviter, il faut de toute urgence bifurquer vers la décroissance. Vous avez bien entendu, mes chers Collègues. Bifurquer vers la décroissance. La décroissance de la dette.
La décroissance de la dette, mes chers Collègues – je ne voulais pas vous faire peur – implique la maîtrise du déficit, la croissance de l'économie, et donc l'amélioration de notre compétitivité. C'est le seul chemin qui nous éloigne de la crise. Il est à notre portée. La preuve, c'est que nous l'avons pris sous le Gouvernement d'Édouard Philippe de 2017 à 2019.
La France sortait de la procédure pour déficit excessif en ramenant son déficit sous la barre des 3 % du PIB. La dette était stabilisée et la croissance était au rendez-vous. Alors aujourd'hui, mes chers Collègues, l'Allemagne, qui a connu les mêmes crises que la France, respecte les critères de Maastricht, avec un déficit à 3 % et une dette à 60 %.
Nous devons, j'en suis convaincu, nous remettre à ce niveau.
Je vous remercie.