10 juin 2020
Projet de loi portant annulation du 2nd tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris, et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020, organisation d'un nouveau scrutin dans les communes concernées, fonctionnement transitoire des établissements publics de coopération intercommunale et report des élections consulaires
Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Le 5 juin dernier, le Président du conseil de scientifiques, Jean-François Delfraissy, déclarait que l’épidémie semblait être sous contrôle. Avec un millier de nouveaux cas par jour, comparés aux 80 000 contaminations quotidiennes du début du mois de mars, notre pays a de bonnes chances de vaincre la pandémie.
Le Gouvernement soumet aujourd’hui à notre assemblée un projet de loi dont la majorité des dispositions sont à contre-courant de cette actualité favorable. Incontestablement.
Il s’agissait notamment, avant la commission, de prévoir les conditions de l’annulation des élections municipales, pour le cas où le contexte sanitaire ne permettrait pas la tenue du second tour le 28 juin prochain.
Il y a, effectivement, quelque chose de paradoxal à discuter d’un texte en espérant qu’il ne trouve pas à s’appliquer. Le Président BAS l’a tout à fait dit. Mais il me semble que ce n’est qu’une apparence de paradoxe : il faut en effet envisager la situation que nous voulons éviter et faire preuve de pragmatisme. « Le vrai courage, c’est la prudence » disait Euripide avec raison.
Durant les derniers mois, nous avons entendu bon nombre de voix s’élever pour affirmer avec certitude ce qui aurait dû être fait pour éviter la crise.
Certains ont aussi chanté les louanges de remèdes miracles, reconnus par tous… et surtout par ceux qui les proposaient.
Au-delà des théories du complot, la réalité nous incite à la prudence et à l’endurance. La résolution de la crise viendra plus certainement d’un travail et d’un effort dans la durée que de coups d’éclat.
La pandémie a fortement perturbé le fonctionnement de notre pays. Après la crise sanitaire grave qui - nous l’espérons - se trouve déjà derrière nous, nous allons devoir faire face à une crise économique historique.
Une fois de plus, les maires ont montré qu’ils sont des figures incontournables de la gestion de crise de nos territoires. Ils ont tenté sans relâche de répondre aux attentes de leurs administrés dans des conditions particulièrement dégradées.
Beaucoup d’entre eux ont pris des mesures permettant de ralentir la propagation du virus, notamment, par exemple, en assurant une distribution de masques à nos concitoyens.
Le virus a touché tous les aspects de l’activité de notre société. Les processus électoraux n’ont pas été épargnés. Alors que l’action de nos collectivités est plus nécessaire que jamais, près de 5 000 communes et 16,5 millions d’électeurs sont à ce jour dans l’attente d’un second tour.
Tout en veillant à préserver la santé des votants et des organisateurs de scrutins, nous pensons que la tenue du second tour est à cet égard impérative pour permettre aux équipes municipales d’agir avec une légitimité pleine et entière.
Dans cette optique, nous saluons l’assouplissement du régime de procuration de vote. Beaucoup de personnes fragiles ou en contact avec des personnes fragiles ne sont pas allées voter le 15 mars dernier. La participation s’en est ressentie.
Nous devons créer les conditions d’une participation plus large pour les prochaines élections.
Le conseil de scientifiques a indiqué, avant-hier et devrait confirmer le 14 Juin prochain, que les circonstances sanitaires du second tour sont bien meilleures que celles du premier. Le virus semble être sensible aux saisons : c’est heureux pour nous à l’approche de l’été, mais nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle contamination ou même d’une nouvelle maladie. Il nous faut donc anticiper les situations dans lesquelles le vote classique peut être problématique.
Pour cela, nous pensons que le système de la procuration de vote pourrait être revu afin de mieux l’adapter aux contextes de crises. C’est le sens d’un amendement que j’ai moi-même déposé. Il vise à permettre au mandataire et non plus seulement au mandant, de faire la démarche pour établir des procurations plus facilement auprès des autorités compétentes ; nous sommes à la veille des vacances scolaires, avec des personnes qui ont été confinées un long moment et qui auront beaucoup de mal à faire, ne serait-ce que la démarche pour aller donner leur procuration.
D’autres pistes sont souvent évoquées, ce sont celles du vote électronique, ou encore du vote par correspondance. La Commission a ajouté à cet égard la possibilité du vote par correspondance papier pour les conseillers représentant les Français de l’étranger, c’est une bonne chose.
Plus généralement, il conviendrait de lancer une étude approfondie sur les différents types de vote, afin de déterminer leur pertinence et leur fiabilité. Car si l’épidémie recule, nous ne sommes pas à l’abri de voir les conditions sanitaires de nouveau dégradées.
A ce sujet, nous remarquons que le texte prévoit avec sagesse la possibilité d’annuler les seconds tours dans des communes qui seraient touchées par une résurgence du virus. Ce risque n’est pas à exclure, et nous voyons dans cette mesure une prudente précaution.
En plus du vote, c’est l’ensemble des conditions du scrutin, et notamment la campagne électorale, qu’il conviendrait d’ajuster aux contextes de crise.
Les dispositions contenues dans ce texte nous apparaissent donc nécessaires. Nous espérons - et nous croyons – que le recul de l’épidémie permettra de ne pas faire l’application de bon nombre d’entre elles.