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Emmanuel CAPUS : PPR demandant au Gouvernement de mettre en oeuvre une imposition de solidarité

03 juin 2020


Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, demandant au Gouvernement de mettre en œuvre une imposition de solidarité sur le capital afin de renforcer la justice fiscale et sociale et de répondre au défi de financement de la crise sanitaire, économique et sociale du Covid-19

Madame la Ministre,

Mes Chers Collègues,

Le rétablissement de l’ISF fait figure, non pas de sparadrap mais de révolution. Cette idée, comme un astre autour de son orbite, ressurgit depuis 2017 à intervalles réguliers dans le ciel de notre hémicycle.

Elle prend tantôt la forme d’une proposition de loi, tantôt celle d’un amendement au projet de loi de finances et aujourd’hui, celle d’une proposition de résolution. Résolution, révolution, il n’y a qu’une seule lettre de différence. Mais la différence tient parfois à une seule lettre…

Ainsi, après avoir instauré l’IFI en remplacement de l’ISF, il nous est maintenant proposé de passer à l’ISC.

Après tout, si les mots comptent, les lettres aussi. Hier « Impôt de solidarité sur la fortune ». Et demain, peut-être, « Impôt de solidarité sur le capital ». Alors, « Fortune » ou « Capital » ? Telle est la question. Mais derrière ces mots ronflants, qui sonnent comme des titres de magazines d’actualité économique, un concept fait son retour : la justice sociale.

Qu’est-ce que la justice sociale ? Vaste sujet. On peut commencer par dire ce qu’elle n’est pas. Les auteurs de la proposition de résolution ont ainsi pris le soin de la distinguer de la « haine des riches ». Dans le climat social qui est le nôtre, c’est une précision heureuse, à tout le moins, bienvenue. Mais précision ne vaut pas définition.

Car ce concept est souvent brandi en étendard, mais il est rarement défini au niveau des principes. Or, c’est là tout l’enjeu.

La justice sociale ou fiscale ne saurait simplement signifier toujours plus d’impôts pour les riches, ou même parfois pour les moins riches, comme s’il s’agissait d’une loi de gravitation universelle.

Les auteurs de cette proposition de résolution en réfèrent à l’esprit de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Permettez-moi d’en citer la lettre. Son article 13 dispose que « pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

C’est donc déjà interpréter ce texte que de considérer que l’ « égale répartition » dont il est question justifie la progressivité. A fortiori d’y voir la justification d’un nécessaire impôt sur les hauts patrimoines en temps de pandémie mondialisée.

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ne justifie donc nullement le rétablissement de l’ISF. Il ne s’agit là que d’une interprétation particulière, qui se fonde sur un diagnostic de la société et renvoie à des choix politiques.

De même que lorsqu’une crise sanitaire frappe le pays, et que le Gouvernement et le Parlement décident de confiner tout le pays « quoi qu’il en coûte » et d’utiliser l’argent public pour éviter l’effondrement, il s’agit de choix politiques collectifs.

En matière de politique fiscale, les choix politiques consistent pour partie à résoudre des équations. Nous venons, au cours de cette crise, pour faire face à l’urgence, de dégrader durablement les comptes publics. Notre taux d’endettement a bondi de quinze points en trois mois. Du jamais vu. Nous avons voté l’urgence. Il faut maintenant éviter la dépendance.

À cet égard, je me réjouis de trouver dans cette proposition de résolution quelques points de convergence avec les auteurs. Notamment, le fait qu’il n’est pas légitime de faire porter le poids financier de cette crise à nos enfants et à nos petits-enfants. Et aussi qu’une taxation accrue de la consommation ou des revenus serait une erreur.

Mais en poursuivant le même objectif et en cherchant à éviter les mêmes écueils, je ne parviens pas à la même conclusion.

Tout d’abord parce que, compte tenu des masses en jeu, un rendement fiscal d’à peine 3 milliards d’euros peut être perçu comme une contribution non négligeable, mais certainement pas comme la panacée. Ensuite parce qu’on ne remboursera pas notre dette par des taxes symboliques qui apaisent peut-être des tensions mais qui n’améliorent pas vraiment les comptes.

Les mesures qui ont été votées depuis 2017 ont considérablement amélioré l’attractivité de la France. Il y a quelques mois encore, les capitaux s’investissaient massivement dans notre pays, le chômage reculait et la croissance progressait. Et si le coronavirus a changé la donne au plan économique, il ne contredit en rien les choix qui ont été faits.

Vous l’aurez compris, Mes chers Collègues, mon Groupe est hostile à l’augmentation des impôts sur le capital, qu’il s’agisse de l’ISF ou d’un ISC.

Pour surmonter la crise dans laquelle nous venons à peine d’entrer, nous aurons besoin d’unité nationale davantage que de division ou de bouc émissaire. Or vouloir faire payer toujours plus ceux qui payent déjà tant n’y contribue certainement pas. Nous avons fait un choix collectif. Nous l’assumerons donc collectivement.


Interventions au Sénat

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