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Emmanuel CAPUS : Projet de loi de Finances pour 2024

23 Novembre 2023

Projet de loi de Finances pour 2024

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre qui reste,

Monsieur le Président de la Commission des Finances,

- Parce que j’avais noté Messieurs les Ministres

Monsieur le Rapporteur général,

Mes Chers Collègues,


La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer. Ça n’est pas moi qui le dit, c’est Sylvain Tesson, mais je crois qu’il a raison. Tellement raison, même, qu’il est difficile de convaincre les Français qu’ils ne vivent pas en enfer… Difficile de convaincre certains Sénateurs également !

Mais au plan budgétaire, Mes Chers Collègues, qu’est-ce que l’enfer ?


L’enfer, c’est quand les prélèvements obligatoires atteignent des niveaux confiscatoires. C’est quand la dette explose. C’est quand l’inflation s’emballe. C’est quand les services publics ne fonctionnent plus, alors même qu’ils n’ont jamais bénéficié de moyens financiers aussi importants… C’est quand le pays semble au bord de l’implosion. C’est ça l’enfer !

Et au contraire : qu’est-ce que le paradis, au plan budgétaire ?


Le paradis, c’est quand les impôts sont suffisamment bas pour permettre aux gens de vivre dignement de leur travail, et aux entreprises d’être compétitives et innovantes. C’est quand les services publics se modernisent. C’est quand les comptes sont maîtrisés et que la signature de l’État inspire confiance.


Alors, mes Chers Collègues, Sylvain Tesson a-t-il raison ?


À mon avis, c’est fort probable.


Bien sûr, il n’est pas difficile de trouver les éléments prouvant que la France est effectivement un enfer budgétaire et notre Collègue LAVARDE en a cité quelques-uns abondamment. D’ailleurs, c’est peut-être l’opinion qui domine chez nos concitoyens et chez certains d’entre vous.


Avec plus de 3.000 milliards d’euros de dette publique ; un déficit chronique ; une balance commerciale structurellement déficitaire ; un taux d’inflation supérieur au taux de croissance ; une dépense publique à 55% du PIB ; un taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés au monde ; des services publics sous tension ; un taux de chômage qui pourrait repartir à la hausse : il y a de quoi dresser un tableau alarmant.


Mais la France semble aussi, au plan budgétaire, un paradis sur terre. Pour s’en convaincre, le plus simple est sans doute de s’intéresser à ce que les étrangers pensent de notre pays.


Selon le Prix Nobel d’Économie Paul KRUGMAN, la France est le pays qui a le mieux géré la crise.

Selon Der Spiegel, la France, c’est l’Allemagne en mieux, alors que l’économie peine à redémarrer outre-Rhin...


La France, c’est le pays qui attire, en Europe, le plus d’investissements étrangers. Les notations restent excellentes.

Le taux de chômage n’a jamais été aussi bas depuis un demi-siècle. L’inflation reflue, doucement certes, mais elle reflue, en passant de 4,9% cette année à 2,6% l’an prochain.


Mes Chers Collègues, je n’irai pas plus loin dans l’exégèse de Sylvain Tesson. L’important n’est pas là, me semble-t-il. Au-delà du tableau que chacun pourra dresser aujourd’hui, l’important, c’est de savoir le cap que nous souhaitons fixer pour la suite.


L’exercice est difficile, car les nuages – cela a été dit – s’amoncellent au-dessus de notre avenir. J’identifie au moins trois types de menace.


La plus évidente, c’est la menace sécuritaire. Elle s’affirme à l’extérieur de nos frontières, bien sûr, mais aussi à l’intérieur.

Partout dans le monde, les attaques contre les démocraties se multiplient. En France, l’explosion de la délinquance inquiète jusque dans nos campagnes. Nous faisons aussi face à la menace du déclassement économique et à celle du délitement social.


Ces trois menaces – sécuritaire, économique et sociale – sont bien évidemment liées. C’est pourquoi nous devons y apporter une réponse claire et cohérente. À mon sens, la solution tient en trois mots : un État fort. Un État pas omnipotent, ma Chère Collègue Christine LAVARDE mais un État fort.


Notre objectif doit donc être de renforcer l’État. Je crois, mes Chers Collègues, que le budget pour 2024 y contribue.

Un État fort, c’est d’abord et surtout un État puissant dans l’exercice de ses missions régaliennes. Justice, forces de l’ordre, forces armées : sur ces trois volets, les moyens mobilisés augmentent considérablement. C’est une excellente nouvelle.

Ces augmentations s’inscrivent dans les trajectoires définies par les trois lois de programmation que nous avons votées : la loi de programmation du ministère de l’Intérieur, la loi de programmation militaire, la loi de programmation de la Justice.


Au-delà de ces trois fonctions régaliennes clés, le PLF contient plusieurs mesures de lutte contre la fraude fiscale. Elles sont bienvenues. L’État doit être fort, fort avec tous les citoyens, et pas seulement avec les faibles, ou alors il n’y a plus de justice.


Notre Groupe vous proposera d’ailleurs d’affermir ces mesures, par exemple en rendant automatique l’application de la peine complémentaire en cas de fraude fiscale aggravée.


Tout ce qui renforce l’État dans ses missions régaliennes est bienvenu. A contrario, Mes Chers Collègues, tout ce qui l’empêche est malvenu.

C’est pourquoi notre Groupe reste fidèle à sa ligne budgétaire : il faut continuer à mettre de l’ordre dans nos comptes. Un État en déficit chronique, dont les recettes représentent à peine plus de la moitié des dépenses, ne peut pas être l’État fort que nous appelons de nos vœux.


Le Rapporteur général a annoncé plusieurs milliards d’économie. C’est ambitieux. Le Groupe Les Indépendants partage cet objectif. Nous prendrons notre part, plus que notre part, Monsieur le Rapporteur général. Puisque, comme vous le savez, sur les crédits de la mission « Travail & Emploi », dont je suis le rapporteur avec Ghislaine SENÉE, c’est déjà un milliard d’économie que nous proposons sur les cinq milliards que propose la commission des finances. Nous prendrons donc, toute notre part.


Ce n’est certes pas suffisant, au regard des 144 milliards du déficit de l’État, mais c’est un début. Notre Groupe vous proposera d’autres mesures d’économie dès la 1e partie.


Mais il y a des dépenses, Monsieur le Ministre, mes Chers Collègues, il y a des dépenses qui peuvent rapporter gros. Pour répondre à la menace de déclassement économique, l’État doit se faire stratège. Il doit indiquer, par des orientations claires, les secteurs stratégiques sur lesquels nous devons investir massivement, pour préparer notre avenir.


À cet égard, notre Groupe a soutenu toutes les initiatives prises par le Gouvernement pour accélérer la réindustrialisation du pays. Nous continuerons de le faire, et nous serons force de propositions en la matière.


Sur ce point, fidèle à notre position des années passées, reporter la suppression de la CVAE nous interroge. Le plus dur avait été fait, Monsieur le Ministre : garantir aux collectivités locales une ressource pérenne et dynamique. Revenir sur ce calendrier – nous le craignons – c’est brouiller une stratégie qui avait le mérite de la clarté.


Au même titre que le crédit d’impôt pour les investissements dans l’industrie verte ou le plan d’épargne avenir climat, toutes les dépenses qui accélèrent la réindustrialisation de notre territoire, sont des dépenses avec un retour sur investissement rapide et massif. Nous améliorerons notre bilan carbone global ; nous rétablirons notre balance commerciale ; nous continuerons à créer de l’emploi et à innover.


Et surtout : ce sont nos territoires qui en profiteront pleinement. Miser sur la réindustrialisation, c’est offrir à nos territoires, et notamment à nos territoires ruraux, des perspectives nouvelles. C’est leur faire une promesse d’attractivité et de compétitivité.


C’est bien là que se trouve la réponse à la menace de désagrégation sociale.


Miser sur nos territoires, c’est renforcer la cohésion sociale de notre pays. À cet égard, vous avez, Monsieur le Ministre, des alliés que vous auriez tort de négliger. Ces alliés seront toujours au rendez-vous des solutions qui fonctionnent sur le terrain. Ces alliés, ce sont les collectivités locales.


Leur message est clair : elles veulent des politiques frappées au coin du bon sens, elles veulent une relation de confiance avec l’État. Le Congrès des Maires leur offre, comme chaque année, une caisse de résonnance en pleine séquence budgétaire.


L’augmentation de la dotation globale de fonctionnement, à hauteur de 220 millions d’euros, est de ce point de vue, une bonne nouvelle pour les élus locaux. Après la crise sanitaire et le pic inflationniste, une stagnation de leurs moyens aurait été malvenue. Plusieurs autres mesures devront renforcer la relation de confiance.

Je pense bien sûr à la redéfinition des ZRR, dont nous aurons l’occasion de débattre longuement, mais aussi à la rétrocession aux collectivités des amendes prélevées dans les Zones à Faibles Émissions et, bien sûr, au renforcement du Pacte de stabilité au profit des communes nouvelles.


Sur tous ces sujets, Mes Chers Collègues, je ne doute pas que le Sénat sera force de propositions. Le Groupe Les Indépendants aborde sereinement ce projet de loi de finances pour 2024. Avec une boussole très claire : un État fort, sur ses missions régaliennes et en confiance avec les collectivités locales.


Je vous remercie.

Interventions au Sénat

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