03 décembre 2019
Projet de loi de finances pour 2020
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs les rapporteurs,
Mes chers collègues,
L’agriculture rencontre des difficultés. Cette crise est à la fois économique pour certaines filières, de compétitivité mais surtout morale.
En effet, les agriculteurs sont aujourd’hui perdus, ils ne savent plus ce que la société et les pouvoirs publics attendent d’eux.
Cette colère s’est une nouvelle fois exprimée la semaine dernière dans les rues de la capitale.
Les agriculteurs sont pourtant les garants de notre souveraineté alimentaire. Ils jouent un rôle essentiel pour la protection et la gestion de la ressource en eau.
Ils concourent au maintien de la biodiversité. Ils contribuent aussi à la transition énergétique au travers les biocarburants. Enfin, ils participent au stockage du carbone, levier important quand on connait les enjeux de réchauffement climatique. La liste pourrait être beaucoup plus longue.
Pourtant ils sont chaque jour la cible d’attaques directes ou indirectes communément appelé « agribashing » !
Les états généraux de l’alimentation se sont tenus il y a 2 ans. Ils ont suscité beaucoup d’espoirs. De cette concertation a vu le jour la loi EGALIM qui aujourd’hui tarde à porter ses fruits.
C’est dans ce contexte difficile que s’inscrit votre action et votre budget.
Le budget de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » que nous examinons aujourd’hui est en légère hausse par rapport à celui de l’année 2019, je ne peux que m’en réjouir ! Toutefois, il faut souligner qu’il ne retrouve néanmoins pas son niveau de 2018.
Le budget 2020 maintient les équilibres et s’inscrit dans la lignée de ce qui a été fait au cours des années précédentes.
Malheureusement, il n’est pas à la hauteur des enjeux et des attentes.
Dans un premier temps, je souhaite m’attarder sur le budget de la forêt.
Monsieur le Ministre, j’ai eu l’occasion de vous interpeller sur la crise sanitaire des forêts françaises la semaine dernière.
Je regrette que cette politique soit encore le parent pauvre du budget. Il représente un 1000e du total des dépenses pour 30% du territoire.
Les dotations allouées à la forêt représentent 8% des 3 milliards alloués au budget de l’agriculture. De plus, elles baissent de 2,5% et représentent 268 millions d’euros.
Ce budget manque d’ambition ! Et pourtant la forêt doit faire face à un niveau de risque jamais atteint :
Réchauffement climatique
Sécheresses successives
Multiplication des attaques pathogènes
Malgré un tel contexte, le CNPF chargé de la gestion des forêts privées qui représentent 75 % de la superficie forestière française, voit son budget amputé d’1million passant ainsi de 15 millions à 14 millions.
Le CNPF et ses antennes régionales que sont les CRPF jouent un rôle primordial dans l’accompagnement quotidien des forestiers. Une baisse de leurs moyens serait donc en totale contradiction avec les objectifs d’une politique en faveur de la forêt.
Concernant plus spécifiquement l’agriculture, pour la 3ème année consécutive la dotation pour aléa a poursuivi sa baisse même si elle est toutefois moins importante pour 2020. Elle a été réduite de 25 millions d’euros. Elle est donc ramenée à 175 millions, contre 200 millions en 2019 et 300 millions en 2018. Et ce, alors même que les agriculteurs n’ont jamais été autant exposés aux aléas et aux risques climatiques.
Nous appelons de nos vœux une réforme en profondeur et un renforcement des outils assurantiels et du régime des calamités agricoles.
Je veux aussi revenir sur le budget des chambres d’agricultures. Initialement, le projet de budget 2020 ambitionnait de revoir profondément leur fonctionnement.
Il prévoyait d’une part une baisse de 45 millions d’euros de la TFPNB et d’autre part un reversement de cette taxe aux chambres régionales.
Cette régionalisation à marche forcée a été très mal accueillie, revenant à anéantir le financement des chambres départementales.
Je me réjouis que le gouvernement soit revenu sur ce dispositif. Les Chambres sont un partenaire essentiel pour l’accompagnement de notre agriculture. Il faut les mobiliser plutôt que les affaiblir.
Enfin, je me réjouis que vous ayez maintenu les crédits du CASDAR, levier essentiel de développement et d’innovation.
Pour terminer, je veux m’attarder quelques instants sur le défi du renouvellement des générations.
Aujourd’hui, un agriculteur sur 2 a plus de 50 ans et 800.000 hectares de surface agricoles ont disparu en 10 ans, soit 4 exploitations qui disparaissent par jour !
Il est absolument indispensable d’assurer la protection des terres agricoles, car plus généralement derrière ceci il est question de l’avenir de nos territoires. Aujourd’hui, les outils de régulation sont affaiblis par le développement de nouveaux modes de portage du foncier.
Une nouvelle loi foncière doit donc au plus vite voir le jour afin d’enrayer ce phénomène et de faciliter l’accès du foncier aux jeunes générations.
Dans un contexte de construction du budget de l’Etat extrêmement contraint, le budget de l’agriculture est d’une relative stabilité, ce qui pourrait à première vue nous satisfaire. Au regard des enjeux agricoles en matière d’innovation, de recherche, et des nécessaires investissements pour la forêt, ce budget ne nous semble pas à la hauteur des besoins.
Il est certes stable mais il ne permet pas suffisamment de répondre au malaise des secteurs en crise ni de rassurer nos agriculteurs. Il n‘investit pas non plus assez sur l’avenir. Mais je sais combien l’exercice est complexe. Notre groupe votera les crédits du CASDAR et s’abstiendra sur les crédits de la mission agriculture.
Seul le prononcé fait foi