12 décembre 2019
Proposition de résolution sur la résilience alimentaire des territoires et la sécurité nationale
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,
Pas une année ne se passe sans que nous ne recevions en France des images venues d’ailleurs et qui montrent les désastres de la faim. La faim frappe presque toujours les pays meurtris par les conflits et les guerres. Elle en constitue bien souvent l’une des conséquences malheureuses. Mais la faim se trouve aussi à la source de nombreuses tensions qui déchirent les sociétés et ébranlent les régimes politiques. La stabilité politique et l’émergence de régimes démocratiques sont donc des leviers incontestables de résilience alimentaire.
De telles images nous rappellent que l’alimentation constitue bien un enjeu de sécurité nationale, une question primordiale pour la stabilité politique et sociale. Un pays qui ne peut pas assurer l’alimentation de ses citoyens ne doit rien attendre d’eux. Comme dit la fable de La Fontaine, « ventre affamé n’a point d’oreilles ».
Mais ces images nous rappellent surtout que la France a déjà conquis sa souveraineté alimentaire grâce à son agriculture, qui nourrit les Français et exporte des denrées en Europe et dans le monde. Tel est aujourd’hui le véritable fondement de notre résilience alimentaire. Il ne faut pas se tromper de combat. La France, première agriculture européenne, est aussi l’une des plus diversifiée au monde.
Le Groupe RDSE a mis cette question au centre de nos débats. Je salue cette initiative. Cette proposition de résolution, même si elle nourrit un discours alarmiste fondé sur un constat quasiment apocalyptique, a au moins le mérite d’attirer notre attention sur cette problématique. C’est l’occasion de mettre en relief ce qui nous semble essentiel pour garantir notre autonomie et notre souveraineté alimentaire.
Cette problématique n’est pas nouvelle mais elle se présente aujourd’hui sous un jour nouveau, notamment sous l’effet combiné de la mondialisation des échanges et du dérèglement climatique.
Ces deux tendances à l’œuvre ont profondément transformé et transformeront encore à l’avenir nos modes de production agricole ainsi que nos habitudes de consommation.
C’est dans ce cadre que nous devons proposer pour la France une vision ambitieuse de la résilience alimentaire.
Cependant, cette vision ne doit pas se développer au gré des tendances consuméristes et au mépris de notre passé, et notamment de notre passé récent. Il n’y a pas si longtemps encore, et tout particulièrement au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France souffrait massivement de la faim. Notre pays, avec le reste des pays développés, est parvenu à l’éradiquer, ainsi que le risque de la famine. C’est un objectif fondateur de l’Europe au travers la PAC.
Or, cette réalité n’est advenue que par le développement d’une agriculture robuste, modernisée, performante et par le développement des échanges commerciaux, notamment avec nos partenaires européens. Car l’agriculture a très rapidement constitué un pilier essentiel de la construction européenne. Ne l’oublions pas !
Il ne s’agit pas de nier les défis auxquels notre modèle agricole devra faire face dans le futur. Il s’agit seulement de se souvenir d’où l’on vient pour bien comprendre où l’on veut aller.
Aujourd’hui, notre pays a toutes les raisons d’être fier de son agriculture. La France est le premier producteur européen, devant l’Allemagne et l’Italie. Et alors que notre pays affiche depuis plusieurs années un déficit commercial structurel, notre industrie agroalimentaire présente, elle, un excédent structurel.
Concrètement, cela signifie que nous exportons plus que nous n’importons, et donc que nous produisons plus que nous ne consommons. Autrement dit, notre pays se trouve d’ores et déjà en situation d’autosuffisance alimentaire. La France concourt à l’auto-suffisance de l’Europe et concourt aussi à alimenter le marché mondial et elle doit le rester.
Certes, autosuffisance n’implique pas nécessairement résilience, de même qu’autonomie ne rime pas forcément avec autarcie.
Mais, je crois que nous devons prendre garde à ne pas céder trop facilement aux chants des sirènes qui ne jurent plus que par un « localisme » forcément réductionniste.
Si nous avons conquis notre indépendance alimentaire, c’est d’abord par le développement des échanges commerciaux avec nos partenaires européens.
Certes, la place de la France dans l’agriculture européenne montre des signes de fragilité. Aussi, notre production nationale tend à stagner, notre rang dans les échanges internationaux se détériore et la place qu’occupent les importations dans notre alimentation augmente comme l’a mis en exergue le rapport de notre collègue Laurent Duplomb.
Conserver la performance de notre agriculture et son rang en Europe est là le véritable levier de la résilience alimentaire.
Alors que notre planète devrait compter 10 milliards d’êtres humains en 2050, notre capacité collective à nourrir tout ce monde est incertaine.
Aussi devons-nous aujourd’hui considérer que notre industrie est un atout bien plus qu’une faiblesse, un élément de la solution bien plus qu’une partie du problème.
Car le défi qui se trouve devant nous consiste à produire davantage et mieux. Or, si notre agriculture se situe à la pointe en matière environnementale, elle peut encore réaliser d’importants progrès en termes de productivité en misant sur le progrès et l’innovation.
Dans cette optique, toutes les évolutions sociétales qui concourent à soutenir une agriculture nationale, et donc locale, vont dans le bon sens. Le développement des circuits courts ou la transition de notre agriculture participent d’une politique agricole ambitieuse. Nous ne souhaitons aucunement opposer les modèles, au contraire il faut les rendre complémentaire.
Or, la résilience alimentaire de notre pays passe avant tout par une politique agricole ambitieuse. C’est pourquoi la majorité du Groupe Les Indépendants ne votera pas cette résolution car nous ne partageons ni le constat, ni les risques, ni les leviers étatistes qui y sont proposés.
Seul le prononcé fait foi