05 février 2020
Proposition de résolution relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d'un enlèvement parental
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers Collègues,
« Je ne peux plus penser à mon fils, le regarder en photo, cela me fait trop mal, j'ai appris à l’oublier », ce sont les paroles insoutenables de Stéphane Lambert, père français dont l’enfant a été enlevé par sa mère en 2015. Ce témoignage traduit l’importance du sujet qui nous réunit aujourd’hui. Il traduit également la situation de nombreuses Françaises et de nombreux Français faisant face à des situations d’enlèvement parental.
Je souhaite remercier le groupe la République en Marche de nous permettre de nous exprimer sur le sujet, et en particulier le Sénateur Richard Yung. Chacun, dans cet hémicycle, sait l’engagement et le dévouement dont il fait preuve depuis des années aux côtés des parents confrontés à cette situation.
J’aimerais également saluer la Commission des Affaires européennes du Sénat, ainsi que la Sénatrice Véronique Guillotin, pour leur travail conjoint. Un rapport et une proposition de résolution européenne, traitant des enlèvements d’enfants euro-japonais par leur parent japonais, ont dégagé des pistes de reflexions. Les institutions européennes ont d’ailleurs été saisies de ce sujet.
La proposition d’une nouvelle rencontre entre ambassadeurs des États membres de l’UE et les autorités japonaises, formulée dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui, est à mes yeux essentielle. Nous devons développer un dialogue constructif sur ce sujet.
Car ce problème, tout en n’étant pas nouveau, n’est pas non plus une particularité française. De nombreux pays, à commencer par les États-Unis sont également concernés. Des ressortissants Italiens, Australiens ou encore Britanniques font face à ce traumatisme. Cela concerne des dizaines de milliers d’enfants par an.
La bataille juridique qu’imposent ces situations est très souvent vécu comme un parcours du combattant pour le parent souhaitant retrouver son enfant. De nombreuses actions ont été menées dans le monde. Récemment un cabinet français a porté ce sujet jusque devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies.
La résolution que nous étudions aujourd’hui retrace les particularités du droit de la famille japonais. Nous l’avons déjà souligné, la non reconnaissance de l’autorité parentale partagée, d’une part, l’impossibilité d’un droit de garde alternée, d’autre part, en sont les deux points clefs. Le principe de « continuité », aussi mis en exergue, s’ajoute aux difficultés.
A cela, la résolution oppose un champ lexical ne laissant aucun doute sur la nature du problème et l’impact sur les enfants concernés : « se retrouvent privés d’une part essentielle de leur identité », « déficit affectif susceptible de nuire à leur développement personnel », « intérêt supérieur de l’enfant ».
Des évolutions récentes dans le droit japonais ont été saluées par cette résolution comme allant dans le bon sens malgré l’identification de certaines limites. Il reste encore beaucoup à faire. En effet, nous observons que les trois points que je viens d’évoquer, l’autorité parentale, la garde alternée et le principe de « continuité », ne sont pas concernés par l’évolution de la loi. Or, ils sont une partie de la solution.
Je souhaite souligner et saluer quelques propositions précises de la résolution et qui me semblent aller dans le sens de l’intérêt des enfants et de la défense de leurs droits fondamentaux.
La première, découlant du nécessaire dialogue entre la France et la Japon, apporte son soutien la création d’un poste de magistrat de liaison à l’ambassade de France au Japon. Cette liaison me semble primordiale, d’autant plus que ce magistrat existe déjà auprès de l’ambassade du Japon en France. Ce serait un moyen supplémentaire de faciliter les gestions de divers cas entre nos deux pays.
La deuxième, que je salue, est la volonté de rétablir le comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental. Ce comité n’est plus actif depuis 2014, mais il pourrait permettre un dialogue plus constructif et plus efficace.
Enfin, le dernier point de cette résolution que je souhaite mettre en avant est la sensibilisation de nos magistrats. Les conflits de droit international privé sont très complexes et nous devons prendre en compte tous les aspects.
D’autres points de ce texte auraient pu être soulevés. Il est important que cette question soit entendue de manière régulière aux niveaux européen et international. Je suis convaincu que la création d’une liste européenne des pays ne respectant pas leurs obligations relatives à la Convention de La Haye serait une bonne chose.
Les droits fondamentaux des enfants et des parents doivent être respectés et préservés. Le lien des enfants avec leurs parents est, sous bien des angles, une nécessité et participe à son bien-être. La France et le Japon, dont les liens sont forts depuis de nombreuses années, doivent poursuivre leurs efforts de dialogue pour trouver des solutions aux problèmes des enlèvements parentaux.
Le groupe Les Indépendants votera cette résolution et forme le vœu de voir les situations des parents et des enfants franco-japonais s’orienter vers le respect des droits de chacun.
Seul le prononcé fait foi