04 novembre 2021
À l'occasion de son espace réservé, notre Groupe avait décidé de mettre à l'ordre du jour du Sénat une proposition de loi de Paul Christophe, Député du Nord, visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.
Ce texte à l’initiative de Paul Christophe, Député du Nord, vise à modifier le droit en vigueur concernant le nombre maximum de congé de présence parentale (CPP) et d’allocation journalière de présence parentale (AJPP).
En effet il arrive souvent que la maladie et les soins nécessitent une présence et des soins contraignants pour une durée supérieure à celle initialement prévue.
Actuellement, le nombre de CPP et d’AJPP est fixé à 310 jours dans la limite d’une durée de trois.
La PPL prévoit de renouveler le versement de l’allocation, sur un maximum de 310 jours sur une nouvelle période trois ans, à l’expiration des 310 premiers jours, sans attendre la fin du terme de la première période trois ans. Le nombre de jours mobilisables sera ainsi doublé pour les parents. Cette mesure pragmatique répond aux sollicitations de plusieurs associations.
La Commission des Affaires Sociales du Sénat l’a adoptée à l’unanimité le mercredi 27 octobre 2021. Colette Mélot, Sénatrice de Seine-et-Marne, était la rapporteure du texte au nom de la Commission des Affaires Sociales.
Le texte a été adopté à l'unanimité au Sénat dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale.
Il a ensuite été publié au Journal Officiel le 16 novembre 2021.
Par ailleurs, comme le Gouvernement s'y était engagé, un amendement a été déposé, et adopté, sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 afin d'aligner les conditions d'accès des fonctionnaires et des militaires au congé de présence parentale sur celles qui s'appliquent aux salariés.
Jean-Pierre DECOOL - orateur pour notre Groupe
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Madame la Présidente de la commission,
Madame la Rapporteure,
Mes Chers Collègues,
Permettez-moi de saluer amicalement la présence en tribune, du député Paul CHRISTOPHE, auteur de cette loi qui est aujourd’hui rapportée.
J’ai encore à l’esprit, la situation d’une famille de Flandre qui avait adopté un enfant guatémaltèque. Cet enfant était alors en grande santé. A l’âge de neuf ans, il a déclaré une maladie orpheline qui s’avérera mortelle. Le père était agriculteur, la mère enseignante. Pour accompagner son enfant dans les derniers moments de sa vie, la mère avait fait une demande de quelques jours de disponibilité auprès de l’Éducation nationale. Mais ce n’était pas dans les usages, et cette demande lui a été refusée. Les règles étaient alors trop rigides et aucun dispositif de congé n’existait à l’époque pour permettre à un père, à une mère, de quitter son travail quelques jours voire quelques semaines, pour rester auprès d’un enfant gravement malade.
Cette tragédie familiale, et bien d’autres situations similaires, montrent l’importance de la proposition de loi déposée par le député du Nord, Paul Christophe. Elle est le fruit d’une expérience personnelle et d’un parcours politique marqué par un engagement continu, dans le dessein de bâtir une société plus juste, plus humaine et plus solidaire. Présentée au Sénat par notre collègues Sénatrice Colette Mélot et le Groupe Les Indépendants dont je me fais le porte-parole, cette initiative est un rouage supplémentaire à la révolution culturelle, amorcée ces dernières années, avec la création du congé de « proche aidant ».
Cette proposition de loi améliore le dispositif de congé pour présence parentale, permettant au salarié dont l’enfant est atteint d’une grave maladie, de se rendre disponible pour l’accompagner. Ce congé est associé à une allocation journalière versée au maximum 310 fois sur une période de trois ans. Cette dernière voit son montant revalorisé au niveau du SMIC dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, tout comme le montant de l’allocation journalière du proche aidant. La question de la suppression du plafonnement a été évoquée lors de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques, portée par Nathalie Elimas. Le Gouvernement avait alors proposé d’assouplir les conditions de renouvellement de ce congé, dans deux cas de figure : après trois ans ou avant trois ans, à condition que le plafond des 310 jours de congés n’ait pas été atteint.
En complément, le PLFSS pour 2020 a autorisé l’utilisation fractionnée de ces congés, contribuant à une meilleure souplesse du dispositif.
Cependant, le congé de présence parentale reste imparfait, pour une partie des bénéficiaires, lorsque la maladie de l’enfant nécessite une présence soutenue de l’un de ses parents, plus de 310 jours en trois ans. En effet, le renouvellement du congé pour présence parentale est actuellement impossible lorsque l’ensemble des jours de congé a été consommé sur cette période. Cette situation concerne environ 6% des bénéficiaires, soit 600 familles chaque année.
La proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu s’adresse à ces familles, parmi les plus vulnérables. Je souhaite saluer la pugnacité du député Paul Christophe et remercier pour son travail remarquable la Rapporteure Colette Mélot, ainsi que l’ensemble des parlementaires favorables à cette proposition. Le Gouvernement s’est engagé à l’étendre aux fonctionnaires, notamment aux enseignants de l’éducation nationale, dans le cadre de l’examen au Sénat du PLFSS pour 2022. Je suis, bien entendu, très heureux de ces avancées, dans l’intérêt des familles concernées.
Naturellement, les Sénateurs du Groupe Les Indépendants voteront ce texte. Mes chers Collègues, cette démarche honore le Parlement.
Colette MÉLOT - rapporteure au nom de la Commission des Affaires sociales du Sénat
Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
La proposition de loi que nous examinons vise à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu. Adoptée par l’Assemblée nationale il y a presqu’un an, elle est très attendue des associations qui espèrent une entrée en vigueur rapide de ses dispositions.
Créés en 2001, le congé de présence parentale (CPP) et l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) sont des dispositifs précieux pour soulager des situations familiales complexes et douloureuses. Ils permettent en effet aux parents d’interrompre leur activité professionnelle tout en bénéficiant d’un revenu afin d’accompagner un enfant dont la dégradation de l’état de santé justifie un accompagnement soutenu. Il peut s’agir d’une pathologie – telle qu’un cancer pédiatrique –, d’un handicap ou d’un accident particulièrement grave.
Pour bénéficier de ces dispositifs, un certificat médical doit attester de la particulière gravité de l’affection et définir la durée prévisible du traitement. Cette durée est censée déterminer la durée des droits au CPP et à l’AJPP, dans la limite de trois ans.
Force est de constater que les conditions de renouvellement de ces dispositifs semblent quelque peu déconnectées de la situation médicale de l’enfant. Le CPP est ainsi limité à 310 jours ouvrés de congés pouvant être mobilisés sur la période initiale de trois ans, avec un nombre d’allocations journalières également limité à 310.
Des ajustements ont certes été apportés à ces dispositifs dans la période récente afin d’en renforcer la flexibilité.
La loi du 8 mars 2019 sur la prise en charge des cancers pédiatriques a complété les motifs justifiant, après la première période de trois ans, le renouvellement du CPP et de l’AJPP. Au‑delà des cas de rechute ou de récidive, ce renouvellement est de droit en cas de perpétuation de la gravité de de l’état de santé. Toutefois, c’est seulement à l’issue de la période initiale de trois ans, et non au sein de cette période, que le renouvellement peut avoir lieu.
En outre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a ouvert la possibilité pour le salarié, avec l’accord de son employeur, de fractionner le CPP ou de le transformer en période d’activité à temps partiel, afin de mieux concilier l’accompagnement de l’enfant et le maintien d’une activité professionnelle.
Le recours au CPP et à l’AJPP est dynamique : le nombre de bénéficiaires a augmenté de 70 % sur la période 2013‑2020. Un peu moins de 10 000 familles en ont ainsi bénéficié en 2020. Alors que le montant de l’AJPP était jusqu’ici revalorisé en fonction de l’inflation, je salue l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement du Gouvernement au PLFSS pour 2022 qui prévoit désormais que l’allocation sera revalorisée, chaque année, en référence au SMIC.
Je me félicite également du projet de dématérialisation des attestations mensuelles de l’employeur que le bénéficiaire doit produire tous les mois pour renouveler ses droits à l’AJPP. Ce mode de transmission des informations nécessaires aux caisses d’allocations familiales, prévu d’ici la fin de l’année 2022, devrait faciliter grandement la vie des allocataires.
J’en viens au contenu de la proposition de loi déposée par notre collègue député Paul Christophe. Son article unique ouvre la possibilité de renouveler le CPP et le crédit d’AJPP au‑delà de 310 jours sur la période de référence initiale de trois ans. Cette évolution est pleinement justifiée par le souci de mieux tenir compte de la réalité de la pathologie ou du handicap de l’enfant et des soins qu’il requiert.
La possibilité de renouvellement après la période initiale de trois ans, que nous avions votée dans la loi du 8 mars 2019, a en effet un intérêt en pratique limité. En effet, au bout de trois ans, la plupart des enfants sont généralement soit guéris, soit, malheureusement, décédés. Les dispositions actuelles ne répondent donc pas aux besoins des quelque 600 foyers qui, au cours de la période de référence de trois ans, épuisent leur « crédit » de 310 jours d’AJPP. Dans le cas de cancers pédiatriques, les chiffres les plus pessimistes évaluent même à 30 % la part des parents bénéficiaires de l’AJPP qui auraient besoin d’une prolongation du nombre de jours d’allocation.
Le renouvellement des droits au CPP et à l’AJPP envisagé par la proposition de loi permet ainsi aux parents concernés de mobiliser, si la santé de leur enfant le requiert, un crédit maximal de 620 jours sur la période de référence de trois ans.
Une amélioration, capitale au titre du principe d’égalité, aurait néanmoins pu être apportée à la proposition de loi. Il semble en effet indispensable d’étendre aux agents publics le bénéfice de ces nouvelles dispositions. Toutefois, cette extension nécessite une modification des lois statutaires des trois fonctions publiques et du code de la défense. Cette extension constituant une dépense supplémentaire, seul un amendement gouvernemental peut y procéder.
Pour réparer cet oubli, j’ai exposé à la commission une solution de nature à ne pas compromettre l’adoption rapide de la PPL dans un contexte d’encombrement de l’ordre du jour parlementaire. Le texte a en effet été adopté il y a déjà près d’un an par l’Assemblée nationale, et nombre de foyers ont épuisé leur crédit de 310 jours sans pouvoir le renouveler. Plus l’adoption de la loi sera retardée, plus les foyers se trouvant dans cette situation seront nombreux.
Dans un premier temps, une adoption conforme de ce texte par notre assemblée garantirait aux familles qui arriveraient en fin de droits dans les semaines prochaines la possibilité de renouveler aussi sereinement que possible leur accès au CPP et à l’AJPP. Dans un second temps, le Gouvernement pourrait procéder à l’extension du dispositif aux agents publics par amendement au PLFSS pour 2022 dont la discussion s’engage au Sénat dès lundi prochain.
Mes échanges tant avec le rapporteur de l’Assemblée nationale qu’avec le cabinet du secrétaire d’État à la protection de l’enfance me font penser qu’il s’agit de la solution la plus efficace dans l’intérêt des familles concernées. N’oublions pas en effet qu’une CMP sur ce texte pourrait en différer l’adoption définitive à la mi‑décembre.
Au‑delà de cette mesure, des efforts supplémentaires seront nécessaires dans les années à venir afin de permettre au dispositif de mieux répondre aux besoins d’accompagnement de l’enfant. J’identifie, à cet égard, deux enjeux principaux.
Le premier concerne l’équité parentale : il nous faut réfléchir aux moyens de garantir aux deux parents la possibilité d’accompagner leur enfant. Le parent dont l’emploi est le plus rémunérateur a en effet tendance à maintenir son activité, laissant l’autre parent – bien souvent la mère – interrompre la sienne afin de se consacrer à l’accompagnement de l’enfant. La situation familiale peut s’en trouver durablement affectée, entre la dégradation de l’employabilité du parent accompagnant et le sentiment de culpabilité de l’autre parent n’ayant pu participer à l’accompagnement autant qu’il l’aurait souhaité.
Nous devons ainsi nous interroger sur l’évolution possible des conditions de cumul de l’AJPP entre les deux parents, en les alignant sur celles aujourd’hui prévues pour l’allocation journalière de proche aidant (AJPA). En effet, deux parents peuvent cumuler, à eux deux, 44 jours d’AJPA par mois. Je forme le vœu qu’il en soit de même à l’avenir pour l’AJPP, qui est aujourd’hui limitée à 22 jours par mois pour les deux parents.
Enfin, la question de la suppression du plafonnement de l’AJPP reste ouverte, dès lors que la prise en charge de certaines pathologies, comme les leucémies ou les tumeurs cérébrales, peuvent justifier un accompagnement parental dépassant les 620 jours.
En attendant, il nous faut agir dans l’intérêt immédiat des familles. C’est pourquoi je vous propose d’adopter sans modification ce texte qui répond aux attentes des familles et dont nous devons garantir une entrée en vigueur dans les plus brefs délais. Je vous remercie.
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