08 juin 2021
Proposition de loi visant à conforter l'économie du livre et renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs (voir le dossier législatif)
NB : 🗣 Retrouvez l'intervention du Sénateur Jean-Pierre Decool lors de l'examen du texte en deuxième lecture au Sénat le 16 décembre 2021 en cliquant ici
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Mes Chers Collègues,
Le livre est un objet à part. Il occupe dans notre société une place singulière, car il constitue tout à la fois un vecteur d’idées, un objet de transmission et un lieu d’évasion.
Ce n’est pas faire injure à notre République laïque, ni à aucune religion d’ailleurs, d’affirmer que le livre relève, pour la France, du sacré. Notre pays, sans doute plus que tout autre, entretient avec le livre une relation bien particulière.
D’abord, parce que notre Patrie a forgé son identité dans sa littérature. Ses grands auteurs en sont ses ambassadeurs, et l’esprit français n’existe pas sans ses belles lettres.
Ensuite, parce que notre pays a une magnifique tradition d’artisanat d’art, en lien avec le livre. Les relieurs, les doreurs, les enlumineurs, les imprimeurs, et j’en passe, illustrent notre fascination pour les beaux livres.
Pour le dire simplement, la France aime passionnément le livre. Elle l’aime sous ses deux facettes : en tant que sujet et contenu, d’une part ; en tant qu’objet et contenant, d’autre part. On ne saurait totalement séparer le corps de l’âme, mais il est utile de rappeler ces deux composantes essentielles.
Ces deux composantes – le contenu et le contenant –, et tous les acteurs économiques et culturels qu’elles font vivre, ont un destin commun en partage. C’est pourquoi, pour défendre le livre qui nous est si cher, nous devons aborder le problème de façon globale.
Cela est particulièrement vrai, au moment où l’irruption des nouvelles technologies de l’information bouleverse les équilibres en place.
Ce n’est pas la première fois que le monde du livre est contraint à se réinventer. Il suffit de regarder les magnifiques incunables, ces ouvrages d’avant le XVIe siècle, entièrement rédigés et décorés à la main, pour se rappeler que le livre que nous connaissons aujourd’hui, n’a rien à voir avec celui d’hier.
Les étapes décisives de cette évolution ont été nombreuses. Le passage du volumen au codex, le remplacement du parchemin par le papier, l’invention de l’imprimerie ou encore son développement industriel, sont autant d’épreuves qui ont profondément modifié le livre. Il n’en est pas mort, mais il a dû se transformer, et avec lui les acteurs qui y travaillent.
C’est pourquoi, pour défendre le livre, et avec lui notre identité nationale, nous devons améliorer l'économie du livre et renforcer l'équité entre ses acteurs.
Mes Chers Collègues, j’ai cru utile d’en passer par cette longue introduction, car je souhaitais expliquer en quoi le texte dont nous allons discuter est si important. Je crois pouvoir l’affirmer : nous voulons tous promouvoir le livre.
Je tiens donc à remercier l’auteure de la proposition de loi, notre Chère Collègue Laure DARCOS, qui nous apporte un texte consistant et ambitieux. Je ne maintiendrai pas le suspense plus longtemps : je souscris très largement aux mesures de cette proposition de loi.
Elle intervient à plusieurs niveaux de façon pertinente. La proposition émane en effet de larges concertations avec les acteurs du secteur. En outre, la saisine du Conseil d’État a permis de renforcer le dispositif au plan législatif.
L’obligation faite à tout éditeur en cessation d’activité, d’adresser un état des comptes à tous les auteurs sous contrat avec lui, est une mesure de bon sens. C’est une demande des auteurs. Nous la soutenons sans réserve.
C’est la même chose, pour la possibilité ouverte aux auteurs, et à des groupements d’auteurs, de saisir le médiateur du livre. Il s’agit également d’une demande exprimée par les auteurs ; nous la soutenons également sans réserve.
Mais ce texte manquerait largement sa cible, s’il n’apportait pas des solutions concrètes aux problèmes des libraires. La crise sanitaire a mis en évidence à la fois cette situation difficile, et l’attachement des Français à leur libraire. La possibilité donnée aux communes, et sur proposition de la Rapporteure, aux EPCI, de les soutenir financièrement, répond à une demande forte.
Nos libraires tissent dans nos territoires un précieux maillage culturel et social. Les Français y tiennent. Que les acteurs publics puissent y contribuer, apparaît donc pertinent. Ces mesures, je crois, ne porteront pas à polémique.
Mais ce n’est pas le cas de la réglementation des frais d’envoi. Sur ce point, je sais la divergence de fond entre la Commission des Affaires économiques et la Commission de la Culture. Ayant moi-même récemment quitté la première pour rejoindre la seconde, j’ai reçu les arguments de l’une et l’autre avec une égale bienveillance.
Je constate que cette divergence, au fond, résidait sur deux hypothèses différentes quant aux comportements d’achat. Je veux faire confiance aux forces vives de France, en prenant la proximité. C’est pourquoi notre Groupe Les Indépendants soutiendra sans réserve le texte de la Commission.