28 octobre 2020
Projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la Commission,
Madame le Rapporteur,
Messieurs les Rapporteurs pour avis,
Mes chers Collègues,
« La science n’est pas fille du seul étonnement et du désir de savoir » écrivait Jacques Blamont, elle dépend aussi de la volonté des autorités et de l’environnement propice des institutions.
Le Gouvernement a pris la mesure du déclin de la France en matière de recherche et nous saluons cette initiative opportune. Elle arrive après un long silence de près de 15 ans durant lequel la France n’a bénéficié d’aucune loi de programmation pour la recherche.
La valorisation des rémunérations et la mobilité des carrières sont des facteurs essentiels pour accroitre l’attractivité des métiers à l’égard des talents étrangers mais également à l’égard de nos propres talents, de plus en plus tentés de quitter la France pour démarrer leur vie professionnelle dans de meilleures conditions.
Dans de nombreux domaines tel que l’intelligence artificielle, la pénurie de compétences compromet nos perspectives industrielles et représente un handicap compétitif certain face aux champions mondiaux que sont les États-Unis, la Chine ou encore le Royaume-Uni.
La cybersécurité fait aussi face à des pénuries de talents constantes et nos entreprises, nos collectivités, nos administrations sont touchées de plein fouet par des attaques recrudescentes. Je pourrais également prendre l’exemple de la recherche biologique et médicale, bureaucratisée à l’excès et dévalorisée. Les meilleurs chercheurs émigrent pour rejoindre Harvard, Princeton ou Dallas tandis qu’un désert scientifique se dessine peu à peu en France, au grès d’une lente dérive du financement de la recherche.
Nous soutenons le raccourcissement de la durée de la loi de programmation à 7 ans comme l’ont actées conjointement la commission de la Culture et la commission des Finances. La dernière loi de programmation date de 2006 et n’a jamais été appliquée ! La recherche française n’a plus le temps d’attendre.
Nous devons aussi répondre au désarroi de milliers de jeunes chercheurs au déroulement de carrière indigne, privés de reconnaissance. J’aimerai insister sur l’impérieuse nécessité de redonner à la recherche fondamentale des moyens à la hauteur de ses besoins.
Nous devons aussi nous méfier de l’hypercentralisation des infrastructures et des équipes. Il ne faudrait pas que la réforme du préciput prévue à l’article 12 renforce les déséquilibres entre les territoires. Dans ce domaine plus que dans tout autre, les logiques de proximité, de mise en réseau et de coopérations sont les plus fertiles. Il nous faut reconnaitre la valeur des petites équipes, des petites formations, des jeunes chercheurs qui ont beaucoup à proposer.
La science procède souvent par rupture dogmatique avec les anciens. Elle se nourrit d’audace et d’idées nouvelles. Toute logique de reproduction du cadre dogmatique majoritaire l’étouffe, comme le décrit avec une grande lucidité Alexandre Grothendieck, génie des mathématiques, dans son autobiographie « récoltes et semailles ». Avec une immense générosité, il a soulevé des pans entiers d’une nouvelle connaissance jusque-là invisible, laissant derrière lui une œuvre de 60 000 travaux, aujourd’hui supports d’intenses recherches. Il suffit parfois d’une personne, d’un regard nouveau posé sur des phénomènes anciens pour renverser tout ce que nous savons ou croyons savoir. La recherche est avant tout l’art des humbles, de ceux qui n’ont pas peur de l’erreur pour ne jamais dépendre des anciennes vérités dressées comme des dogmes contre une connaissance sans cesse renouvelée.
François Jacob n’aurait sans doute pas révolutionné la génétique sans l’Institut Pasteur. Un cadre et des moyens sont nécessaires pour permettre aux 300 000 chercheurs de France d’aller au-devant des découvertes avec toutes les incertitudes, les fulgurances, les reculs, les réveils, la persévérance que ce travail de l’ombre demande.
Nous, Sénateurs, Députés, Ministres, nous ne pouvons que créer les conditions propices à ces découvertes qui feront la France de demain.