14 février 2020
Proposition de résolution demandant au Gouvernement de porter au niveau de l'Union européenne un projet de barrière écologique aux frontières
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Le mécanisme de barrière écologique aux frontières, dont il est question aujourd’hui, est soutenu depuis le début des années 2010 par la France et les gouvernements successifs. Il vient apporter des réponses concrètes à la réduction nécessaire et souhaitée des émissions de gaz à effet de serre.
Je tiens à remercier le groupe Les Républicains et les sénateurs Jean-François Husson et Bruno Retailleau qui nous donnent l’opportunité d’approfondir ce sujet devenu fondamental.
Nous l’avons remarqué lors des élections européennes de mai dernier, l’idée de taxe écologique aux frontières de l’Europe a été très largement partagée par le spectre politique en France. Comme la proposition de résolution le précise, l’échelon européen semble être le plus indiqué pour une efficacité réelle du mécanisme et une protection de nos engagements et de nos règles intérieures.
Le gouvernement actuel fait de ce mécanisme d’ajustement aux frontières un point essentiel de sa vision environnementale et économique européenne. Ce que nous saluons, tout comme l’importance de la réciprocité dans les accords commerciaux que l’Union européenne est amenée à conclure avec le reste du monde. Il s’agit d’un instrument parmi d’autres du respect de notre modèle, de nos règles et de nos valeurs.
L’Union européenne a fait des efforts notoires sur ce sujet grâce à la nouvelle génération d’accords internationaux qui inclut un volet social et environnemental. Nous devons poursuivre notre engagement dans ce sens. Le refus de négocier des accords avec des alliés ne respectant pas nos principes doit être considéré comme une juste affirmation de notre identité collective et une volonté de préserver notre système.
L’Europe, qui aspire à la neutralité carbone à l’horizon 2050, est consciente de l’importance d’un mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières. La nouvelle Commission européenne l’inscrit d’ailleurs dans la première partie de sa communication présentant son Pacte vert européen. Une proposition sera faite sur le sujet dans le dernier trimestre de l’année 2021, nous y serons très attentifs et souhaitons que le gouvernement français reste mobilisé sur cet enjeu.
La semaine dernière le commissaire européen Thierry Breton, présentant les grandes lignes de son projet, a expliqué que le travail s’oriente « pour faire en sorte que nos concurrents paient le juste prix des normes en vigueur chez nous ». C’est important pour l’environnement comme pour notre compétitivité. La résolution rappelle que les entreprises vertueuses européennes pourraient être pénalisées par rapport au reste des puissances mondiales. Ces phénomènes de concurrence déloyale et de distorsion ne sont pas acceptables. Ce que l’on désigne comme des « fuites carbone » profitent de l’absence du mécanisme juste, clair et efficace que nous appelons de nos vœux.
De nombreuses questions se posent quant à la forme que pourrait prendre un tel mécanisme. La résolution évoque la taxation de produits importés fortement émetteurs, ou de produits provenant de pays qui ne respectent pas les standards européens en matière environnementale. Ce sont des pistes intéressantes qui pourraient garantir l’efficacité du dispositif.
Cependant, des limites et des obstacles devront être surmontés. En premier lieu, s’accorder en Europe. La vision française de la taxe carbone aux frontières semble s’imposer petit à petit, mais nous devrons trouver des points de compromis. Nous avons noté récemment la complexité des échanges sur la neutralité carbone de l’Union en 2050 et l’absence de participation, pour le moment, de la Pologne à ce dispositif.
Les questions fiscales relèvent de la compétence nationale et il faudra obtenir l’unanimité des États membres pour créer une taxe écologique au niveau européen. Certains de nos partenaires restent à convaincre.
En second lieu, comme le souligne très justement la proposition, la barrière écologique aux frontières devra respecter les règles de l’Organisation mondiale du Commerce. Nous connaissons tous le principe de non-discrimination des produits similaires. D’où la nécessité d’établir le bon format afin de s’assurer d’une dérogation efficace.
Enfin, la dernière interrogation que je souhaite porter à votre attention, correspond à la méthode de mesure de l’emprunte des produits et le montant du prix du carbone qui seront suffisamment efficaces pour permettre de créer une barrière performante et influente. N’oublions pas que nous souhaitons nous protéger économiquement et protéger notre environnement, mais que nous souhaitons également influencer d’autres parties du monde à respecter des engagements environnementaux forts, notamment ceux pris lors de la COP 21 à Paris.
Cette taxe pourrait ainsi créer parallèlement deux cercles vertueux. Un premier international, où entreraient le plus de pays possible, qui réduirait notre impact global sur l’environnement. Un second européen, où la taxe permettrait de financer la transition écologique de notre ensemble. De nombreux volets sont à soutenir en termes de recherche et d’innovation, de rénovations, ou de financement vert pour ne citer que ces points. Pour réaliser tous ces efforts, les moyens financiers s’avèreront déterminants. D’où le caractère primordial de redistribuer de manière pratique et utile les recettes d’un tel mécanisme.
Le gouvernement français doit continuer à défendre la taxe carbone et à persuader ses partenaires européens de construire un mécanisme performant. Le groupe Les Indépendants en est convaincu et votera donc pour cette résolution. Il en va de la protection de notre modèle et de notre compétitivité, mais aussi de l’influence mondiale que l’Europe ambitionne d’avoir sur les sujets économiques et environnementaux dans les décennies à venir. L’horizon 2050 commence aujourd’hui.
Seul le prononcé fait foi