16 novembre 2021
Débat sur les priorités de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne
Merci Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
La situation internationale se tend. C’est un fait depuis plusieurs années et c’est devenu encore plus concret depuis l’été. Je pense au peuple afghan qui est plongé dans la frayeur, à la rupture du contrat du siècle avec la formation de l’alliance Aukus dans la zone Indo-Pacifique où des alliés n’hésitent pas à nous livrer une concurrence acharnée au péril de notre bonne relation. Je pense aussi à la détérioration sans précèdent de la situation économique du Liban, à la crise diplomatique avec l’Algérie et aux tensions au Sahel. Et plus récemment, bien sûr, aux agissements de la Biélorussie qui instrumentalise une crise migratoire.
Le monde bouge vite et nous constatons toujours la lenteur des réactions de l’Union européenne. Elle n’est pas due à un manque d’outils ou de mécanismes pour réagir, mais à une absence de vision claire et partagée. Les 27 États membres ont des histoires différentes bien que communes, des ambitions diverses bien qu’entremêlées, et l’Union n’est à son aise que dans le compromis. Pourtant une vision ambitieuse à la hauteur de notre continent est nécessaire.
C’est l’objectif de la « Boussole stratégique » – vous l’avez rappelé – qui a été lancée durant la Présidence allemande du Conseil de l’Union européenne. Notre pays aura en charge de la finaliser.
Les enjeux sont multiples, mais résident principalement dans notre rapport avec les grandes puissances de ce monde. La stratégie de la Chine est complexe et efficace, surtout en Europe. De leurs côtés, les États-Unis ont leur propre agenda. Quant à nous Européens, nous n’avons pas tous la même relation à ces pays et notre division est une faiblesse dans nos relations avec d’autres pays. La crise sanitaire a été révélatrice de notre niveau de dépendance.
Il est devenu primordial donc de se doter d’une stratégie multidimensionnelle et globale. Monsieur le Ministre, pendant la présidence française comment comptez-vous mettre les européens d’accord sur une boussole stratégique ambitieuse, dont vous avez reçu les plans hier, et particulièrement sur la stratégie à déployer face à la Chine et aux États-Unis ? Merci.
Réponse de M. Jean-Yves LE DRIAN – Ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Vous posez Monsieur le Sénateur GUERRIAU, les questions essentielles.
Vous avez rappelé que la boussole stratégique a été communiquée hier aux Ministres des affaires étrangères de l’Union européenne. C’est en quelque sorte, un livre blanc de sécurité et de défense et c’est la première fois, dans l’histoire de l’Union européenne qu’il y a un tel document et une telle volonté, ce qui correspond un peu à ce que je disais tout à l’heure dans mon propos, pour que l’Europe s’affiche comme puissance.
Et l’ambition de cette boussole est de faire en sorte que l’Europe prenne ses responsabilités pour assurer sa propre sécurité et s’en donne les moyens.
Ce qui m’a le plus frappé, dans les échanges que nous avons eus hier, c’est une forme de consensus en train de se constituer, ce qui pouvait paraître impossible et nous avons là sur les différents points qui sont évoqués dans la base, la maquette de la boussole stratégique, des convergences qui me laissent à penser qu’on pourra trouver un accord sous présidence française, que l’objectif est d’aboutir à un accord au Conseil européen du mois de Mars.
Pour cela, nous aurons beaucoup d’échanges et en particulier un séminaire dont nous allons prendre l’initiative qui se tiendra au mois de Janvier. Je ne sais pas si ça se passera à Brest, je ne sais pas si ce sera un indicateur de bonne mobilisation mais en tout cas, qui réunira à la fois les Ministres des affaires étrangères et les Ministres de la défense.
Ce qui m’a frappé aussi le plus, c’est que désormais, dans les propos, le terme de souveraineté européenne est couramment admis et couramment répété même par ceux qui pouvaient antérieurement être rétifs par rapport à ce concept.
J’ai observé aussi que sur l’analyse des menaces et des risques, il y avait une convergence assez forte y compris sur l’identification du positionnement et à l’égard de la Chine et à l’égard des Etats-Unis.
Alors ce sont des éléments positifs qui me permettent de penser qu’on pourra trouver un bon déroulement sur la boussole stratégique.