04 février 2020
Proposition de loi tendant à assurer l'effectivité du droit au transport, à améliorer les droits des usagers et à répondre aux besoins essentiels du pays en cas de grève
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Grève par procuration, grève perlée, grève tournante, grève surprise, grève de solidarité… La grève sous toutes ses formes. Il y a ceux qui la font et il y a ceux qui la subissent. La grève est un droit de valeur constitutionnelle. Il y a cependant d’autres droits, objectifs, libertés, ou principes de valeur constitutionnelle. Nous ne devons pas accepter que l’un d’entre eux prenne le pas sur les autres.
Nous avons vu ces derniers mois le droit de grève faire échec à la liberté d’aller et venir, à la liberté du commerce et de l’industrie, à la continuité du service public. Les PME ont particulièrement souffert de l’absence de leurs salariés. Eux-mêmes ne peuvent souvent faire grève qu’au risque de mettre la pérennité de leur employeur en danger.
Les transports publics sont en effet essentiels à l’exercice de bon nombre de ces libertés. Beaucoup de nos concitoyens ont ainsi été dans l’impossibilité de se rendre sur leur lieu de travail. Beaucoup de commerçants ont connu une faible fréquentation pendant le mois qui aurait dû être le meilleur.
La grève est plurielle. Il y a celle qui a pour objet d’appuyer des revendications professionnelles dont la satisfaction dépend de l’employeur. C’est alors un outil de négociation dans les conflits du travail. Et il y a les grèves qui appuient des revendications professionnelles dont la satisfaction ne dépend nullement de l’employeur. Le patron de la SNCF ou de la RATP n’a pas le pouvoir de retirer un projet de réforme des retraites.
La grève, nous dit-on parfois, est faite pour gêner. Gêner qui et pourquoi ? Ceux qui l’ont subi dans les transports collectifs, furent avant tout les voyageurs, qui sont des usagers et, faut-il le rappeler, des clients. Eux non plus n’ont pas le pouvoir de retirer un projet de réforme. C’est à la démocratie et non à la rue de trancher ces sujets. La pression sur les institutions de notre République doit nous interpeller.
Nous assistons ainsi à de multiples abus. Abus du droit de retrait, derrière lequel la grève peine à se dissimuler. Abus du droit de grève lui-même, chaque fois qu’il est détourné de sa finalité, ou que les conditions de sa légalité ne sont pas respectées. C’est le cas aussi lorsque la grève se transforme en un instrument de pression sur les salariés non-grévistes. Ces pressions sont illégales et inacceptables. Elles doivent être sanctionnées.
La grève n’est pas la manifestation, la grève n’est pas le blocage. La grève est un droit, dont l’exercice doit respecter les formes prescrites et ne doit pas mettre en péril le nécessaire équilibre entre les différents droits et libertés de valeur constitutionnelle.
La question qui nous préoccupe aujourd’hui - sur le thème des transports publics - s’est déjà posée pour les hôpitaux et la télévision publique. Elle se pose en réalité pour tous les secteurs dans lesquels une grève est susceptible d’entraîner la paralysie du pays.
Le droit de grève peut être et doit être encadré afin de contenir d’éventuelles conséquences disproportionnées. Cela a déjà été fait par la loi de 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Cette loi constituait une avancée en instaurant, pour les salariés qui souhaitent faire grève, un préavis de 48h. Une avancée aussi parce qu’elle promeut le dialogue au sein des entreprises, pour tenter d’atteindre au mieux les objectifs du plan de transport.
Ce préavis est essentiel. C’est pourquoi nous vous proposons d’étendre cette obligation aux contrôleurs aériens. Le groupe Les Indépendants avait déposé une proposition de loi en ce sens ; je vous propose aujourd’hui de voter par amendement le dispositif adopté en commission.
La loi de 2007 ne permet cependant pas d’empêcher les situations de paralysie, a fortiori quand les revendications professionnelles ne dépendent pas de l’employeur.
La proposition de loi que nous examinons cet après-midi vise à établir un service minimum effectif, afin de satisfaire aux besoins essentiels de la population. Pour cela, il était question - dans le texte initial - de donner aux entreprises de transport public le pouvoir de requérir des salariés notamment des salariés grévistes.
Dans le cas où l’entreprise ne parvenait pas à remplir ses obligations de service minimum, l’autorité organisatrice des transports aurait pu lui infliger une amende administrative. Le passage en commission a retiré du texte la possibilité d’infliger une telle amende. Le mécanisme aurait sans doute permis de renforcer l’efficacité du service minimum, même s’il pouvait être porteur de difficultés juridiques.
Une autre mesure phare était la possibilité - pour les entreprises de transports - de requérir des salariés grévistes. Elle demeure mais elle devient une compétence liée : l’entreprise de transports ne peut y recourir que sur une injonction en ce sens émise par l’autorité organisatrice.
Le pouvoir de réquisition de salariés grévistes existe déjà dans le droit actuel. Il appartient au préfet, et cela dans le même but de satisfaire aux besoins essentiels de la population.
Nous sommes sensibles à ce que les collectivités locales puissent elles aussi bénéficier de cette faculté de réquisition. Celle-ci ne trouvera à s’appliquer que lorsqu’elle est strictement nécessaire à la satisfaction des besoins essentiels de la population. Nous devons cependant veiller à ce que cette nouvelle prérogative ne soit pas porteuse de risques juridiques pour les collectivités de nos territoires. Veiller aussi à ce que les collectivités n’aient pas à suppléer d’éventuelles carences de l’État, comme ce fut le cas avec la loi Darcos qui oblige les communes à assurer un service minimum d’accueil des enfants en cas de grève dans l’Éducation Nationale.
Par ailleurs, nous considérons que, quand elle est nécessaire, la réquisition doit être immédiate. C’est le sens d’un amendement que nous vous proposons de voter.
Nous voulions aussi encourager les personnels grévistes réquisitionnés à porter un signe distinctif pour signaler qu’ils sont en grève. Cela permettrait de respecter la volonté des personnes qui ont choisi de faire grève. Nous sommes également convaincus que cela pourrait susciter des échanges respectueux et constructifs entre les usagers et les grévistes, sortant de la logique d’affrontement.
La grève est un droit de valeur constitutionnelle mais cela ne saurait permettre l’abus. Nous serons attentifs au respect des équilibres entre les différents droits et libertés.
Seul le prononcé fait foi