10 avril 2024
Question d'actualité au Gouvernement
Question de Laure Darcos, Sénatrice de l'Essonne, à Nicole Belloubet, Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse
Ma question s'adresse à Madame la Ministre de l'Éducation Nationale.
Madame la Ministre,
Shemseddine avait 15 ans. Il sortait de son cours de musique quand il a été tabassé à mort par plusieurs jeunes encapuchonnés pour la simple raison qu'il fréquentait une jeune fille et que cela déplaisait à ses frères.
Présente comme vous, vendredi, sur les lieux de ce meurtre barbare, aux côtés de mon ami Jean-Marie Vilain, Maire de Viry-Châtillon, j’ai croisé ses camarades à la sortie du collège, en pleurs, incrédules et terrorisés. Malgré leur désarroi, ils posaient la même question : "À qui le tour ?"
Au cœur d'une société déboussolée, l'école a vocation à être un sanctuaire de la République, formant génération après génération nos enfants au respect mutuel et aux droits humains élémentaires, où les élèves comme leurs professeurs se sentiraient en sécurité.
Les communes ne cessent d'investir dans des quartiers populaires pour que chacun, dans sa différence, vive en harmonie avec les autres. L'effort consenti est colossal. Je peux témoigner que le Maire de Viry-Châtillon et son équipe y déploient de nombreuses actions pour que les habitants se sentent heureux dans leur ville. Alors que faire de plus, de mieux ?
Comme vous tous ici, je me sens découragée devant l'ultra-violence de mineurs de plus en plus jeunes. Ils perdent le sens du Bien et du Mal, notamment à travers les réseaux sociaux, qui influencent leurs comportements et répandent de manière virale des rumeurs abjectes sur leurs camarades.
Pouvons-nous accepter de cette jeunesse une haine des forces de police, des pompiers, des élus ou de leurs enseignants ? Pouvons-nous nous habituer à cet ensauvagement qui vire à une barbarie ordinaire ? Bien sûr, il faudra punir très sévèrement ces assassins et, autour d'eux, rappeler qu'en France il existe un devoir fondamental de respect de la vie d'autrui.
Par ailleurs, en 2024, l'infantilisation des femmes par un patriarcat moyenâgeux n'a pas sa place dans la République et l'éducation à la sexualité à l'école doit pouvoir être enseignée en toute sérénité.
Notre indignation ne ramènera pas Shemseddine à la vie. Sa maman, une veuve courageuse, et ses frères et sœurs sont brisés à tout jamais. Mais pouvons-nous espérer que ce drame serve à une véritable prise de conscience et à un sursaut collectif ?
Réponse de Nicole Belloubet, Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Madame la Sénatrice Laura Darcos,
Je sais effectivement que vous vous êtes rendue à Viry-Châtillon, nous y étions à peu près dans les mêmes temps, et je partage votre émotion.
Ayant eu l'occasion de parler avec la maman de Shemseddine. Elle m'a dit ce que nous sommes tous ici, anéantis. Anéantis par ce qui s'est passé. Et avec la volonté évidemment de tout faire pour que le bouclier dont je parlais tout à l'heure se mette effectivement en place.
Madame la Sénatrice, vous dites : "que pouvons-nous faire de plus ?" Je crois que nous ne devons pas nous décourager, en aucune manière, et nous devons continuer à nous arc-bouter pour que l'école soit ce sanctuaire.
Non pas un sanctuaire totalement fermé, mais un sanctuaire qui soit un sanctuaire de protection des jeunes et de la communauté éducative et qui soit en capacité de construire des ponts vers l'extérieur, vers les collectivités qui nous aident tant.
Vous avez cité le Maire de Viry-Châtillon, Monsieur Villain, que je salue ici tout particulièrement, et pour la mesure de ses propos, et pour l'action qu'il conduit. Et il a notamment mis en place des cellules de soutien psychologique à la MJC de Viry pour que tous les jeunes puissent, choqués comme ils le sont, venir s'y exprimer dans ces temps où le collège est fermé pour des questions de vacances.
Pour le reste, au sein même de notre communauté éducative et sans reprendre ici l'ensemble des dispositions juridiques, je voudrais dire que l'enseignement fondé sur la science, que l'égalité entre les filles et les garçons, que le respect des valeurs de la République, que le respect entre les jeunes, entre eux, entre filles et garçons, mais entre eux-mêmes, que l'éducation à la vie affective et à la vie sexuelle. Tout cela, ce sont des incontournables que nous nous déploierons vraiment à diffuser auprès des jeunes.
Je crois que c'est par la diffusion de ces valeurs républicaines, par la diffusion de nos enseignements scientifiques que nous contribuerons à l'emporter en toute hypothèse.