Marie-Claude Lermytte : Indexer les salaires sur l'inflation
- Les Indépendants
- 19 févr.
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19 février 2025
Proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation - Dossier législatif
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Madame la Rapporteur,
Mes chers collègues,
De temps en temps, la Gauche a des idées. En 1983, elle en a même eu deux :
-Une très mauvaise, qui était d’instaurer l’âge de la retraite à 60 ans, à l’heure où la réalité démographique s’imposait déjà en France et en Europe ;
-Et une très bonne, qui a été d’arrêter l’indexation des salaires sur l’inflation. Confrontée à la réalité, elle a, du moins sur ce sujet, fait le choix qui s’imposait.
En 1952, la loi Pinay était en effet venue indexer le salaire minimum sur l'inflation. A partir de là, certaines conventions collectives ont commencé à appliquer le principe de l'indexation des salaires sur l'inflation.
Mais, à cette époque, le contexte inflationniste était bien différent avec une inflation à deux chiffres et la mesure d'indexation s'était accompagnée d'un dispositif de blocage des prix.
Il y a 40 ans, après un accord pour le moins infructueux entre les socialistes et le parti communiste, et une succession de mesures dispendieuses et dénuées de tout sens des réalités, le mur des réalités arrive et François Mitterrand ne peut l'éviter.
En 1983, dans le cadre de la politique d'austérité qui s'impose après un retour accru de tensions inflationnistes, la Gauche interdit finalement les clauses permettant l'indexation des salaires sur l'inflation. Seul le "SMIG" demeure alors indexé sur l'inflation.
Le Gouvernement avait alors accepté la réalité d’un mécanisme : l’indexation des salaires augmente les coûts de production, qui augmentent les prix de vente des biens et des services qui entrainent une hausse des salaires. CQFD, c’est ce que l'on appelle la spirale inflationniste.
Et la fin de l’indexation des salaires sur l’inflation a fonctionné : entre 1982 et 1985, l'inflation diminue de presque 12% à moins de 6%.
40 ans plus tard, l'extrême Gauche se dit aujourd'hui que c'était pourtant une bonne idée et souhaiterait revenir en arrière.
Mais avec cette proposition de loi, elle se trompe. Car la Gauche oublie une chose : toutes les entreprises de France ne font pas partie du CAC 40. Et tous les employeurs ne sont d’ailleurs pas des entreprises.
Les quelques 158 000 petites et moyennes entreprises de France emploient 4,3 millions de salariés, soit un tiers de l’effectif, et créent près d’un quart de la valeur ajoutée de l’ensemble des entreprises. Combien d’entre elles seraient économiquement capables de faire face à l’obligation d’indexer les salaires sur l’inflation ?
Avec ce genre de mesure, je me demande toujours ce que peuvent bien dire les élus qui les votent aux petits artisans de leur territoire qui ont 4-5 employés et qui se sous-rémunèrent eux-mêmes pour pouvoir payer leurs salariés.
Je pense aussi évidemment aux collectivités territoriales dont personne, surtout au Sénat, n’ignore les difficultés. Les départements doivent déjà faire des choix difficiles pour assurer l’intégralité de leurs missions. On connait les écueils qu’a créés le Ségur de la santé et la Gauche voudrait leur en imposer de nouveaux.
J’entends l’intention derrière ce texte et que nous partageons tous : améliorer le pouvoir d'achat des Français. Nous devons tout faire pour que tous les Français vivent dignement de leur travail. C'est un objectif qui fait, je pense, l'unanimité.
Mais je doute que ce soit en tuant la compétitivité des entreprises que cet objectif sera atteint.
Imposer une telle mesure aux entreprises ne ferait qu’alourdir les contraintes, déjà nombreuses, qui pèsent sur elles et conduire certaines à licencier ou au moins nuirait au recrutement. C’est inévitable. Sauf, à ce qu’elles répercutent les augmentations de salaires sur leur prix et l’on retrouvera alors la spirale inflationniste.
Par ailleurs, le contexte actuel ne s’y prête guère, alors que le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 3,9% au quatrième trimestre 2024. Il s'agit de la plus forte hausse du chômage en dix ans, hors crise Covid.
Continuer de réformer le système des allègements de cotisations patronales pour limiter les effets de seuil ou encore poursuivre le développement du partage de la valeur en entreprise. Beaucoup de pistes d’améliorations se trouvent dans le rapport de notre collègue Corinne Bourcier et Frédérique Puissat.
Indexer les salaires sur l’inflation couperait purement et simplement le dialogue social et nuirait au travail des partenaires sociaux. Je m’étonne que ce soit la Gauche qui le propose. Les augmentations de salaire ne peuvent passer que par l’amélioration de la compétitivité et de la productivité des entreprises, en respectant et en renforçant le dialogue social.
Notre Groupe Les Indépendants ne soutiendra pas ce texte.
Je vous remercie.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.