12 mars 2024
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales - Voir le dossier législatif
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Madame la Rapporteure,
Mes Chers Collègues,
Les violences intrafamiliales constituent à la fois des drames intimes et un phénomène de masse : drames intimes, parce qu’elles brisent la cohésion des familles et chargent les individus d’un immense fardeau ; phénomène de masse, parce que ce sont des millions de nos concitoyens qui en ont subi les conséquences.
On estime en effet que 10 à 20% des adultes ont subi de telles violences lorsqu’ils étaient mineurs. C’est considérable.
Et si l’on prend aussi en compte toutes les personnes qui ont été indirectement concernées par ces violences – les proches qui ont dû apporter leur aide, les associations et les professionnels qui se sont impliqués pour protéger les victimes –, on comprend que ces situations concernent en fait une proportion très importante de la population.
Dès lors, comment expliquer qu’il soit si difficile de prendre des mesures fortes pour endiguer le problème ?
Précisément parce que les violences familiales, avant d’être un phénomène de masse, constituent des drames intimes, où celui qui commet la violence, parfois le crime, occupe un rôle central dans la structure familiale, parce qu’il devrait donner de l’amour, et non provoquer de la souffrance.
Condamner un parent, le plus souvent un père violent, pour protéger une victime, le plus souvent une mère ou ses enfants, ce n’est jamais une bonne solution, mais c’est souvent la moins mauvaise. C’est en tout cas celle qui permet de mieux protéger les plus fragiles et d’éviter un engrenage infernal.
Le sujet est si délicat, qu’il s’avère difficile de prendre des mesures fortes. Ce n’est pas par manque de volonté, mais simplement par souci d’équilibre. Après plus d’un an de navette parlementaire, la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales est sur le point d’être adoptée.
Les débats à l’Assemblée et au Sénat ont permis d’aboutir à un texte de compromis. La convergence des vues nous amène, je le crois, à une solution à la fois consensuelle et efficace. Le Groupe Les Indépendants la votera sans hésitation.
En première comme en deuxième lectures, notre Groupe avait soutenu la position de la Commission des Lois du Sénat sur l’article 1er, au sujet duquel se concentrait l’essentiel du débat.
Cet article prévoit la suspension provisoire, de plein droit, de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement, dès le stade des poursuites, pour le parent poursuivi pour crime contre l'autre parent ou pour crime ou agression sexuelle sur son enfant.
Notre Groupe jugeait plus pertinent de conserver le caractère temporaire de cette suspension, tout en laissant une place centrale au juge dans la procédure. Dans le texte issu de la Commission Mixte Paritaire, il n’est plus question du délai maximal de 6 mois qui avait été voté en première lecture par le Sénat. Mais le rôle du juge dans la procédure est renforcé.
Nous espérons que cette nouvelle mouture permettra de mieux protéger les enfants. Car c’est là, je crois, notre priorité : non pas d’abord punir plus sévèrement le parent ayant commis la violence, mais d’abord protéger l’enfant, en le mettant à l’abri des violences, tout en lui permettant de conserver un lien avec ses parents, pourvu que ce lien ne nuise pas à son développement personnel.
Ainsi, la nouvelle version de l’article 1er ne retient plus le cas des violences volontaires ayant entraîné une interruption temporaire de travail de plus de 8 jours, comme motif entraînant la suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement.
Cette version nous semble plus équilibrée. Encore une fois, l’objectif n’est pas de protéger un parent violent, mais bien de préserver le développement de l’enfant.
C’est tout le sens des travaux menés depuis plus de 3 ans par la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants, dite « CIIVISE ».
J’espère sincèrement que tout le temps pris par ces travaux, que ce soit au sein de la CIIVISE ou au sein du Parlement, ne sera pas interprété par toutes les victimes de violences comme le signe d’une lenteur inappropriée, mais bien comme le gage d’un travail sérieux, pondéré, ambitieux.
Dès après que le Parlement aura largement adopté ce texte, qui vise à mieux protéger les enfants, il faudra qu’il soit appliqué, avec rapidité et efficacité. Il en va de la crédibilité de l’action publique. Mais surtout, nous le devons à toutes les victimes de ces violences intrafamiliales.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.