14 novembre 2024
Proposition de loi visant à interdire le démarchage téléphonique - Dossier législatif
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Madame la Rapporteure,
Chers Collègues,
Je ne vais pas ici développer toutes les bonnes raisons qui m'ont amené à déposer cette proposition de loi. Comme moi, vous avez un téléphone. Comme moi, vous avez de la famille, des amis, des connaissances. Et comme moi, dans vos permanences, vous avez rencontré des personnes âgées, isolées, qui ont été victimes de fraudes ou d'escroqueries.
Au début de mon propos, j'aimerais qu'on se mette d'accord sur la définition du démarchage téléphonique. Et moi, je ne connais pas mieux que le petit Larousse. Deux points et j'ouvre les guillemets : "C'est une technique qui consiste pour un commercial à solliciter par téléphone quelqu'un qui n'a pas manifesté d'intérêt pour les produits ou services qu'il vend."
Cette PPL vise à mettre fin au démarchage téléphonique tel qu'il vient d'être défini. Mais je sais, Madame la Rapporteure, que la définition du petit Larousse n'est pas la même que celle du droit commercial ou du droit de la concurrence.
Ce sujet pose un problème qui traverse toutes les sociétés modernes, celle de la gestion de nos données personnelles. Ces données qui sont captées légalement ou non, qui sont vendues, échangées, utilisées, stockées. Ces données constituent une part importante des appels que nous recevons, mais pas seulement. Ce sont aussi des robots qui tournent toute la journée, qui génèrent des numéros de téléphone jusqu'au moment où un numéro existe et l'appel part. Et là, un téléconseiller, souvent installé de l'autre côté de la Méditerranée, tente d'engager une conversation afin de vous vendre quelque chose.
Quelle est la situation ? Les spécialistes vous parleront de l'opt-out et de l'opt-in. Je vais y mettre des mots français. Nous vivons actuellement, et j'espère pour encore peu de temps, dans l'ère de l'opt-out, ce qui signifie que chaque Français est considéré comme étant consentant et d'accord pour être démarché téléphoniquement.
Depuis un certain nombre d'années, des lois, des décisions ont été prises afin d'essayer de réguler, d'encadrer et de contraindre les acteurs du marché. C'est la création de BLOCTEL qui, à l'usage, s'est révélée inefficace. C'est l'aménagement des horaires d'appel, ce sont les secteurs d'activité exclus. Et là encore, nous constatons que ça ne marche pas, et même que les choses ont tendance à empirer. Et tout ce qui consistera à vouloir trouver des solutions dans le cadre actuel, reviendra à verser de l'eau dans du sable.
L'ambition de cette proposition de loi, c'est d'inverser le principe, c'est de basculer dans l'opt-in, c'est-à-dire un système dans lequel chaque Français serait présumé non consentant, n'étant pas d'accord pour être démarché téléphoniquement. Le consommateur ou le citoyen ne serait plus dans la situation où il subit ce qu'il se passe.
Un mot sur l'impact économique et sur l'emploi. Ce qui, dans les faits, est la raison principale pour laquelle ce sujet n'avance pas depuis des années. Les chiffres qui sont avancés sont farfelus, ne reposent sur aucune étude crédible et ne décrivent en rien la réalité. La réalité, c'est que les plateformes téléphoniques qui sont installées en France travaillent exclusivement aux relations commerciales plus-plus. Et, d'ailleurs, cette PPL ne remet nullement en cause leur travail.
Je dénonce les méthodes de calcul qui visent à requalifier tous les salariés d'une société comme étant impactés par cette loi alors que le démarchage téléphonique pèse parfois 0,01% du chiffre d'affaires. Je parle ici, par exemple, des assureurs.
La vérité, c'est que le démarchage téléphonique à froid ne fonctionne plus. Comme dit le dicton populaire, trop de démarchage tue le démarchage. J'en veux pour preuve que beaucoup d'entreprises sérieuses, nous l'ont dit durant les travaux : "assainissez le secteur ! Plus personne ne décroche le téléphone, on n'arrive pas à joindre les prospects qui nous ont sollicités et on a même du mal maintenant à contacter nos propres clients."
Avec cette proposition de loi, j'ai voulu inscrire un principe dans la loi : on ne peut plus être appelé si on n'a pas donné son consentement éclairé à une entreprise pour qu'elle puisse le faire.
Je veux remercier l'ensemble des collègues qui se sont associés à cette démarche et je remercie vraiment, je remercie sincèrement la Rapporteure, notre collègue Olivia Richard pour son implication, pour son temps, pour sa maîtrise du travail législatif et son savoir-faire politique qui devraient, nous l'espérons, nous permettre d'aboutir à un texte retravaillé qui rendra son application possible.
Depuis que j'ai déposé la PPL, j'en croise beaucoup qui me disent : "vivement que ça soit en place, j'en peux plus." Je prends tout de suite la précaution d'expliquer que les appels ne cesseront pas dès demain matin. Moi le premier, j'ai bien conscience qu'il faut éviter les effets déceptifs d'un texte qui pourrait susciter trop d'espoirs. Il y a plusieurs étapes à passer. Déjà, il faut qu'on se mette d'accord aujourd'hui sur l'inversion du principe, c'est-à-dire, basculer de l'opt-out à l'opt-in.
Il faut que le texte soit voté, qu'ensuite il soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée. D'ailleurs, on peut se réjouir de la dynamique parlementaire et du vote, hier, en Commission des affaires européennes à l'Assemblée nationale, d'une proposition de résolution portée par la Députée Louise Morel, visant à harmoniser les régimes de démarchage téléphonique en Europe, sur la base de l'opt-in, et de la proposition de loi déposée il y a quelques jours par Pierre Cordier, qui s'intéresse depuis longtemps à ce sujet, qui s'inscrit dans la droite ligne du texte dont nous allons discuter.
Alors, je me suis inspiré de ce qui s'est passé dans quelques pays voisins, le Portugal, notamment l'Allemagne, qui a inscrit dans son droit à l'opt-in il y a déjà plus de dix ans et qui commence à obtenir des résultats. Mais pas depuis que la loi a été votée, mais depuis que le Gouvernement a décidé d'en faire une priorité et d'utiliser les outils législatifs qui étaient mis à sa disposition. Ce qui veut dire, en clair, taper vite et taper fort au porte-monnaie ceux qui ne respectent pas la règle.
Vous l'avez compris Madame la Ministre, ce sera ensuite au Gouvernement d'appliquer et de faire vivre cette loi afin qu'elle soit effective et utile. Il y a des acteurs essentiels à la réussite de ce projet, ce sont les opérateurs téléphoniques, qui pour certains d'ailleurs ne sont pas les derniers à faire du démarchage téléphonique.
Avec la réglementation MAN, les opérateurs ont et auront le devoir d'assurer l'authentification des numéros qui doit permettre un meilleur filtrage des appels abusifs et frauduleux.
Chers Collègues, au moment d'en terminer, j'espère que vous souscrivez à l'objectif de cette proposition qui s'attaque à un sujet à bas bruit, qui fait le quotidien de nos concitoyens et qui en exaspère à peu près 65 millions. Ce texte vise à changer de braquet, à bâtir un outil législatif qui doit permettre, Madame la Ministre, au Gouvernement, d'obtenir des résultats significatifs dans le temps.
Je vous remercie de votre attention.