17 octobre 2024
Proposition de loi visant à renforcer l'indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes - Dossier législatif
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers Collègues,
Le Groupe socialiste nous présente une proposition de loi qui part d'un bon sentiment.
Mais comme le dit le proverbe, l'enfer est pavé de bonnes intentions.
Il y a ici des mesures qui vont dans le bon sens, à propos de la protection des sources, sur le renforcement des droits voisins, dont nous aimerions d'ailleurs que le périmètre soit redéfini pour qu'il s'applique plus seulement à Google mais aussi aux autres plateformes et réseaux sociaux qui partagent sans limite les productions des éditeurs de presse.
Mais le cœur du réacteur, la raison d'être de ce texte, l'article qui changerait tout, c'est celui qui reprend l'arrêt du Conseil d'État du treize février. Et qui demande à l'ARCOM de prendre en compte les différentes sensibilités politiques de l'ensemble des intervenants, y compris les chroniqueurs, les animateurs, les invités.
Ne faisons pas semblant, il s'agit ici de s'attaquer à CNEWS, à C8, enfin bref, en résumé, aux médias du groupe Bolloré.
Il y a une forme de cohérence d'ailleurs, c'est dans la ligne, la droite ligne de la commission d'enquête sur la concentration des médias.
Un certain nombre d'entre nous en conviendront, le Conseil d'État n'est pas non plus le gardien absolu de la vérité et d'ailleurs on se demande bien pourquoi il vient se mêler de l'organisation du débat public politique et intellectuel au sein des chaînes de télévision et des stations de radio.
Déjà, j'allais dire, ce truc c'est injouable. Vous mettriez le doigt dans un engrenage dont vous ne sortiriez jamais.
Imaginez le salarié de l'ARCOM, derrière son écran, qui devrait, avec son chronomètre, décompter les minutes de tel ou tel pour savoir si les propos tenus sont de gauche, de droite ou d'ailleurs.
Je n'aimerais pas être à la place de celui qui, par exemple, va se pencher sur l'émission de Michel Onfray. Il faudrait séparer les prises de position, celle très à droite, celle très à gauche, bon courage.
QUID des humoristes qui interviennent quotidiennement dans les matinales ? Je ne sais pas, un Philippe Caverivière, on va décompter la blague de droite, la blague de gauche ?
Cette histoire elle est complètement lunaire et sur le fond vous admettrez que c'est quand même assez inquiétant de vouloir attribuer des étiquettes aux uns et aux autres. Tout n'est pas motivé par des intentions partisanes ou électorales.
Aujourd'hui il y a une multitude de chaînes, de radios avec des opinions différentes, divergentes, contradictoires et c'est une chance, chacun a le droit de zapper et de changer de chaîne.
Moi-même, moi-même, il m'arrive d'écouter France Inter et je reconnais parfaitement que ça participe à me forger une opinion.
Et j'espère que d'autres prennent le temps d'aller écouter des émissions comme "L'Heure des Pros" qui peut aussi les aider à se forger un avis.
Il y a quelques semaines, l'ARCOM a exclu de la TNT les chaînes CNEWS et NRJ12.
À titre personnel, je vois dans ce choix une forme de mépris social pour ne pas dire un mépris de classe. Qui sont ceux qui savent pour les autres ce qui est bon, ce qui est beau, ce qui est bien, qui veulent imposer leur façon de penser ?
Comme si les uns et les autres n'étaient pas capables de choisir ce qu'ils souhaitent écouter ou regarder.
Dans quelle démocratie décide-t-on de la fin d'une chaîne de télévision nationale de surcroît à capitaux français ?
Ce qui fait la saveur de l'audiovisuel, c'est sa diversité, sa complémentarité et sa pluralité.
Il y a quarante ans, c'était les radios libres, l'arrivée de Canal +, la création de nouvelles chaînes et aujourd'hui chez certains, on a l'impression que le projet politique de l'audiovisuel, c'est le retour à l'ORTF.
Ne faisons pas semblant de ne pas voir que le vrai sujet de l'indépendance et de la crédibilité de l'information se joue maintenant sur internet et sur les réseaux sociaux.
Vous l'avez compris, une grande majorité des Sénateurs du Groupe Les Indépendants sont hostiles à ce texte.
Je vous remercie de votre attention.