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Pierre Médevielle : quelle politique européenne et quelle influence pour la France ?

12 novembre 2024

Débat sur le thème : « Nouvelle Commission : quelle politique européenne et quelle influence pour la France ? »



Question de Pierre Médevielle, Sénateur de la Haute-Garonne :


Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers Collègues,


"L'Europe, quel numéro de téléphone ?" C'est ainsi qu'Henri Kissinger raillait la désunion européenne. Il n'est pas impossible que cette mauvaise plaisanterie revienne bientôt au goût du jour outre-Atlantique. Qu'on aime ou qu'on déteste Donald Trump, une chose est en revanche tout à fait certaine : il aura pour seule boussole la défense des intérêts américains. Trump ne nous fera pas de cadeaux. Alors le meilleur cadeau que nous pouvons nous faire, à nous Européens, c'est de ne pas lui en faire.


Il ne s'agit pas d'ouvrir des hostilités avec nos alliés historiques, mais d'adapter notre positionnement stratégique à une nouvelle donne géopolitique. L'Union européenne doit redevenir une puissance si elle ne veut pas rester la vassale des autres puissances. L'Europe doit rester fidèle à ses valeurs et s'engager pour la paix et la prospérité, mais elle doit surtout défendre ses intérêts.


Le déclin géopolitique du Vieux Continent s'explique d'abord par son décrochage économique. Pour redevenir une puissance, l'Europe doit renouer avec la croissance, et pour renouer avec la croissance, l'Europe doit redevenir une terre de production.


J'identifie trois principaux chantiers pour y parvenir. Premièrement, investir massivement dans l'innovation. Deux, mobiliser la commande publique pour nos entreprises. Et trois, faire de l'action climatique un levier de compétitivité.


Pour rester dans la compétition technologique mondiale, l'Europe doit faire de l'innovation une obsession économique. Ce n'est pas une option tactique pour tenter de gagner une ou deux places dans la compétition mondiale, c'est une question de vie ou de mort. Si nous cessons d'innover, nous ne pourrons plus garantir la pérennité de notre modèle socio-économique. Il fallait sans doute qu'un Européen convaincu le dise aussi crûment pour que tous les Européens commencent à y croire.


Le rapport Draghi est très clair. Si nous n'investissons pas massivement pour moderniser notre économie, l'Union Européenne ne pourra plus justifier de sa propre existence. Mario Draghi estime cet effort à 800 milliards d'euros par an. Comment administrer un tel électrochoc ? L'évidence, c'est précisément de moins administrer. La bureaucratie ne favorise jamais la compétitivité.


J'y reviendrai, mais la puissance publique dispose aussi d'un puissant levier d'action pour servir en priorité les intérêts européens : c'est la commande publique. La révision de la directive de 2014 sur les marchés publics doit permettre une réorientation stratégique claire. Nous devons donner priorité à nos entreprises. Pour appréhender la mondialisation avec un peu plus de sérénité, il faut cesser de considérer que les Européens sont des consommateurs avant d'être des producteurs.


Troisième et dernier chantier : faire de l'action climatique un levier de compétitivité et non l'inverse. Le Pacte vert de la précédente Commission partait d'une excellente intuition : la pérennité de notre économie passe par la transition écologique. Pour une raison simple : le réchauffement climatique menace nos intérêts économiques. Mais la transition écologique ne doit être ni un exercice de repentance, ni un appel à la décroissance. Le Pacte vert, par sa dérive bureaucratique, risque de plomber notre économie.


J'en termine par un sujet cher à mon cœur, l'agriculture. Elle ne peut être la seule priorité de la nouvelle Commission, mais elle sera la jauge de son succès. Si l'Europe continue à ouvrir ses marchés à tout vent, tout en étouffant ses propres agriculteurs de normes, alors elle aura échoué.


Réponse de Benjamin Haddad, Ministre délégué chargé de l'Europe de France :


Merci Monsieur le Président,

Monsieur le Sénateur Médevielle,


Déjà, je ne peux que partager votre constat. C'est en effet une question de vie ou de mort pour l'Europe. Et d'ailleurs, si je peux prolonger, au-delà même de l'élection de Donald Trump, finalement, les tendances protectionnistes, le soutien à l'industrie de la part des États-Unis, les tarifs douaniers, étaient une tendance que l'on voyait déjà dans l'administration Biden. Et donc, on aurait dû en tirer les conséquences, quel que soit d'ailleurs le vainqueur de l'élection.


Mais en effet, maintenant, on voit cette urgence qui s'offre à nous. Je partage intégralement les priorités que vous avez citées. Je voudrais d'ailleurs dire que la révision de la directive sur la commande publique se trouve au sein de la lettre de mission du commissaire candidat à la Commission, Stéphane Séjourné, comme vous le savez.


Au-delà de cela, le rapport Draghi identifie de nombreuses pistes de priorité comme l'unification des marchés de capitaux, l'union bancaire, la réforme, aussi, de la politique de concurrence et des aides d'État, la simplification et le soutien à l'innovation. Autant de priorités pour que notre continent en effet devienne un continent à nouveau de producteurs et non pas uniquement, comme vous l'avez bien dit, de consommateurs.

 

 




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