06 mars 2024
Proposition de loi relative au financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense française - Voir le dossier législatif
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,
Il y a une semaine, le Président de la République affirmait que l’envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien ne pouvait être exclu. Depuis, les exégèses et les polémiques se multiplient, en France et même au-delà de nos frontières.
Bien avisé qui peut déterminer si le Président de la République a eu tout à fait tort ou tout à fait raison. Mais force est de constater que l’exécutif a atteint son objectif : l’ambiguïté stratégique bat son plein. Une telle ambiguïté peut être lourde de conséquences, bien sûr, mais n’oublions pas que c’est Poutine, et Poutine seul, qui en est le premier responsable.
Une chose est sûre : pour entretenir cette ambiguïté stratégique, mieux vaut avoir de solides arguments, des arguments suffisamment solides pour faire douter les puissances qui, à défaut d’être nos ennemis directs, sont les ennemis de nos alliés.
C’est pourquoi nous sommes très nombreux ici à soutenir le réarmement militaire du pays. Nous l’avons récemment exprimé de façon univoque, en votant très largement la loi de programmation militaire portée par le Gouvernement. Avec plus de 400 milliards d'euros de dépenses prévues pour la période 2024-2030, l’effort de réarmement est sans précédent.
Le contexte international nous y oblige. Alors qu’une nouvelle aide des États-Unis est bloquée par le Congrès, les Européens prennent conscience qu’ils pourraient bientôt devenir les seuls à soutenir moralement et matériellement l’Ukraine.
En ce jour de Super Tuesday outre-Atlantique, Trump est en passe d’être désigné candidat officiel des Républicains pour la présidentielle de novembre. Mais il a déjà recommencé à faire de la géopolitique à coup de tweets expéditifs, en annonçant la fin du soutien américain à l’Europe face à la Russie.
Les Européens se rappellent désormais que pour maîtriser leur destin, il faut que leurs Nations se réarment. Et à cet égard, il est urgent de marquer le coup.
Nous devons rentrer en « économie de guerre ». La puissance publique doit intervenir dans le secteur économique pour indiquer les priorités stratégiques nécessaires au réarmement de la Nation.
Là encore, l’expression, si elle est vraiment suivie d’effets, est lourde de conséquences. Et pourtant, nous devons l’envisager très sérieusement. Notre Commissaire européen Thierry Breton, qui en connaît parfaitement la portée, l’a déjà utilisée.
C’est aussi le titre que notre collègue Député Christophe PLASSARD, dont je salue la présence en tribune aujourd’hui, avait utilisée pour son rapport d’information, rendu public il y a près d’un an. Ce rapport, parmi toutes ses propositions d’action très concrètes, recommandait notamment de mobiliser l’épargne privée pour massifier les financements de l’industrie de la défense.
Depuis, l’idée a fait son chemin, à l’Assemblée comme au Sénat. Elle a même été retenue par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2024.
Mais l’idée n’a pas encore trouvé son véhicule législatif. Car chaque fois qu’elle a été adoptée dans un texte de loi, la disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.
C’est pourquoi je me réjouis que nous examinions enfin un véhicule législatif ad hoc, afin d’éviter que la mesure ne connaisse encore le même sort.
La mobilisation de l’épargne des Français doit devenir un outil de politique publique en phase avec nos objectifs stratégiques. C’est ce que le Groupe Les Indépendants a déjà défendu à plusieurs reprises, et encore récemment avec l’adoption de ma proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises.
C’est particulièrement vrai depuis la crise sanitaire, car la sur-épargne Covid n’a pas disparu. Aujourd’hui, les encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire avoisinent les 550 milliards d’euros. Au vu de notre endettement public, cette manne privée est considérable.
À titre personnel, il me semble que la création d’un livret spécifique, dédié au financement des entreprises de la défense, aurait le mérite de la clarté et de la transparence auprès des épargnants. C’est la ligne que notre Groupe avait défendue dans ses différentes propositions qui prévoyaient de mobiliser l’épargne privée vers d’autres objectifs.
Cependant, compte tenu de l’urgence de la situation, il me semble que la solution la plus efficace à court terme doit être privilégiée. C’est pourquoi le fait de mobiliser une part de l’enveloppe d’ores et déjà prévue pour le financement des entreprises, semble à ce stade le plus pertinent.
Notre Groupe accueille donc très favorablement cette proposition de loi. Je vous présenterai tout à l’heure deux amendements, qui s’inscrivent dans la même logique et visent à accélérer le passage à une véritable « économie de guerre. »
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.