22 mai 2024
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prévenir les ingérences étrangères en France - Voir le dossier législatif
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
Les démocraties, cela a été dit, sont des sociétés ouvertes. Chacun y jouit de la liberté d'expression, peut émettre des idées nouvelles, critiquer l'action du gouvernement, l'action du Parlement. Cette ouverture et cette liberté sont de grandes forces pour nos sociétés. Avec un débat d'idées plus nourri, plus respectueux du pluralisme, nous avons la possibilité d'améliorer nos politiques publiques. Cependant, cela constitue aussi notre talon d'Achille et ce dès le temps de paix. Nos adversaires peuvent effectivement tenter d'instrumentaliser cette ouverture pour peser, influencer, voire s'ingérer dans la vie démocratique de nos pays.
Lors du vote sur le Brexit ou de l'élection présidentielle américaine en 2016, de telles manipulations ont été détectées. En 2017, cela a été rappelé, notre pays a lui-même été l'objet d'attaques informationnelles. Les affaires de corruption et d'espionnage, cela a été dit, auxquelles le Parlement européen a été confronté, soulignent la réalité de la menace. Elles nous appellent à la plus grande vigilance à l'approche du scrutin européen, particulièrement dans le cyberespace.
Les ingérences ne se limitent pas, hélas, aux seules élections. Nos concitoyens doivent avoir conscience du fait que des acteurs étrangers cherchent à exercer un contrôle, parfois très étroit, sur l'information et surtout sur l'opinion, chaque fois qu'une décision publique est prise dans notre pays. La création de VIGINUM en 2021 sous l'égide du SGDSN a permis de détecter, caractériser, imputer, attribuer et répondre à de nombreuses manipulations de l'information, aux ingérences numériques étrangères, que ce soit lors de la pandémie ou depuis le début de la guerre en Ukraine. L'UE et l'OTAN développent aussi des doctrines et des outils pour lutter contre cette menace.
Afin de mieux protéger nos sociétés, et au-delà de notre modèle démocratique, nous devons cependant assurer une meilleure transparence sur les actions d'influence des puissances étrangères. Je voudrais dire un mot de la situation Géorgienne. La similarité du titre des lois n'efface pas les différences majeures qui séparent leurs dispositions. Pour le régime de Tbilisi, le fait d'être financé à 20% de fonds étrangers entraîne la qualification d'organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère. La proposition de loi que nous examinons ce soir ne poursuit pas la même logique. Elle vise à surveiller les actions de lobbying déployées par les puissances étrangères. Elle n'accuse pas l'ensemble des organisations recevant des fonds étrangers de poursuivre des intérêts étrangers. Le texte concerne seulement celles qui ont pour objet d'influer sur les décisions publiques en les soumettant à des obligations déclaratives renforcées.
Ces déclarations, cela a été rappelé, permettront de mettre au jour les manœuvres contre nos institutions. La HATVP aura ainsi les moyens de mieux surveiller la mise en œuvre de stratégies d'influence et de qualifier de façon plus fine leur ampleur. Dans un contexte d'affrontement particulièrement tendu entre puissances, nous considérons également qu'il est impératif de permettre à nos services de renseignement d'utiliser le traitement automatisé de données afin de détecter les ingérences étrangères, mais aussi toutes les menaces qui pèsent sur notre défense nationale.
Si des menaces sont détectées, nous devons avoir les moyens de nous défendre. Le texte prévoit ainsi un dispositif d'entrave des ingérences. Le gouvernement pourra ainsi décider le gel des fonds utilisés pour ces manœuvres. En commission des lois, ce volet préventif a été complété par un volet répressif. Commettre une infraction pour le compte d'une entité étrangère sera désormais constitutive d'une circonstance aggravante des atteintes aux biens et aux personnes. Les techniques spéciales d'enquête pourront être employées le cas échéant.
Nous ne pouvons plus ignorer la réalité de cette menace. Nous avons le devoir d'en protéger nos concitoyens. Les travaux de la délégation parlementaire au renseignement ont fortement inspiré ce texte. Les deux rapporteurs, dont je salue l'excellent travail, ont encore amélioré la proposition de loi. Il faudra sans doute encore le renforcer. Il faudra aussi le renforcer dans le domaine économique qui méritera aussi toute notre attention et sans doute aussi légiférer très prochainement sur ce sujet. Plus de transparence, plus de renseignement, c'est autant de moyens supplémentaires pour permettre à notre pays de mieux se défendre des atteintes qui sont portées à notre souveraineté.
Dans cette drôle de "néo-guerre" informationnelle qui s'intensifie, le Groupe Les Indépendants votera donc en faveur de cette proposition de loi.
Je vous remercie.