23 octobre 2024
Question d'actualité au Gouvernement
Question de Vincent Louault, Sénateur d’Indre-et-Loire :
Monsieur le Garde des Sceaux,
Loin de moi l'idée d'interférer dans une action de justice en cours ni de vous interpeller sur le fond d'une procédure.
Si je ne méconnais pas le principe de séparation des pouvoirs, j'ai quand même le droit de m'émouvoir, de m'interroger et de vous demander votre avis sur la forme.
Aussi, Monsieur le Garde des Sceaux, ma question est simple : en pleine crise agricole, jugez-vous vraiment raisonnable et proportionné de déployer plus de cinquante agents des forces de l'ordre chez un seul agriculteur, dans le cadre d'un contrôle mutualisé, comme la semaine dernière en Indre-et-Loire ?
Réponse de Didier Migaud, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice :
Merci, Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Sénateur Vincent Louault,
J'entends votre émotion et votre incompréhension. Je comprends que vous soyez sensible à la situation qui concerne un élu, un Maire de votre département, agriculteur de surcroît, comme vous.
Je souhaite y apporter une réponse apaisée, sans faux-semblant. Le métier d'agriculteur est un métier difficile qui demande engagement, pugnacité, qui est soumis à des contraintes, nous le savons, financières, techniques et légales, reconnues de tous. Et vous l'avez rappelé, je vous en remercie, le Garde des Sceaux que je suis ne peut pas commenter une affaire sur le fond, une affaire individuelle.
Un agriculteur, bien que subissant ces contraintes, est soumis aux dispositions légales encadrant son activité, notamment en matière environnementale, qui est et reste une préoccupation gouvernementale majeure. Mû par cette préoccupation, les comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale, les COLDEN, ont été instaurés en septembre 2023 pour veiller à la bonne coordination des réponses administratives et pénales.
Alors, c'est une jeune structure. Elle doit trouver son stade de maturité. Les contrôles opérés dans les exploitations agricoles suscitent des incompréhensions et parfois, comme ce fut le cas dans votre département, une forte émotion, et je le comprends. Améliorer leurs déroulements et leurs perceptions, comme l'avaient proposé les députés Blin et Martineau dans le cadre d'un groupe de travail sur les contrôles opérés dans les exploitations agricoles, est une réelle attente et je l'entends.
Une circulaire de mon ministère du 9 octobre 2023 a rappelé la nécessité de contrôle basé sur le principe de la nécessité et de la proportionnalité. Une stratégie nationale des contrôles a ainsi été établie en janvier 2024 dans cet esprit. Elle est sans doute perfectible et je suis ouvert à y travailler avec mes collègues concernés au sein du Gouvernement.
Je vous remercie.
Réplique de Vincent Louault :
Monsieur le Ministre,
Merci pour votre bienveillance, elle est importante vu le contexte explosif.
Vous le voyez, sur BFM tout à l'heure on annonçait les prochaines manifestations. Les agriculteurs sont vraiment au bout du rouleau.
Quel agriculteur peut vraiment comprendre et encaisser psychologiquement de se faire encercler et contrôler sur plus de 300 points le même jour ? Ceci pour finir très souvent, trois ou quatre mois après, en garde à vue.
Moi-même je préférerais toujours trois, quatre contrôles par an avec des administrations pédagogues, à l'écoute et qui transmettent bien sûr les réelles atteintes à l'environnement.
Notre pays est pionnier en matière environnementale. Il faut en être fier.
Les Français aiment et soutiennent nos agriculteurs qui s'occupent de 80% de la surface de notre pays et sont des acteurs de protection de l'environnement. Tous les agriculteurs sont attachés à leur environnement. Alors, par pitié, nous n'avons pas besoin de les traiter comme des criminels.
Soutenons-les avec des procédures, et je vous en remercie, beaucoup plus humaines.
Merci.